Réinventer l’amour est un livre essentiel. La critique qu’on a faite à Mona Chollet n’est pas fausse, elle cite beaucoup d’autres travaux, notamment de féministes lesbiennes, et son livre fait parfois l’impression d’un patchwork, mais un patchwork très utile, énoncé clairement, compréhensible, facile à lire et qui donne des clés de compréhension vitales des rapport de force de genre dans le couple hétéro. Tous les thèmes y sont abordés, de la violence conjugale à l’argent et au statut professionnel dans le couple, en passant par la sexualité et la compétition féminine pour l’attention des hommes. Mention spéciale à la réflexion courte, mais très claire, sur la fétichisation et le racisme dans les relations hétérosexuelles amoureuses ou sexuelles. On en apprend beaucoup, par ex (TW violences conjugales, meurtre) sur l’affaire Bertrand Cantat et l’assassinat de sa maîtresse Marie Trintignant. Si comme moi, vous ne connaissiez que les grandes lignes, vous allez halluciner de la violence qu’il a déployé, du traitement médiatique très favorable qu’il a reçu, notamment dans les Inrocks (le mec est un ******* et s’est quand même plaint qu’on ne l’a pas laissé rester avec le corps de Marie Trintignant quand elle est arrivée à l’hôpital parce que “c’est son grand amour” et c’était “terrible” de la laisser partir sans lui). Et les Inrocks de titrer “L’amour destructeur” et autres conneries. Oh et quelques années plus tard sa femme, qui subissait aussi ses violences, s’est pendue. Très intéressante réutilisation du terme “enfant sain du patriarcat” : au lieu de considérer les hommes violents, les violeurs, les assassins comme des “pervers narcissiques” ou des anomalies, considérons-les pour ce qu’ils sont, les enfants sains du patriarcat. Saviez-vous que Pierre Loti, Flaubert, Gauguin, sont des sacrés fils de canidés ? Après la lecture de ce livre vous le saurez. Pour comprendre tout ce qui se joue dans la photo de Sarko qui apparaît plus grand que Carla Bruni, dans les groupes de parole d’hommes violents qui se défendent de l’être même devant le visage tuméfié de leur femme, ce qui a poussé Jane Birkin a se considérer moche et vieille à trente ans (Gainsbourg un enfer), lisez cette petite pépite.
Ce livre est normalien à l’ENS de Lyon mais je crois qu’il a une popularité variable parce qu’on l’accuse un peu de copier sur les autres et qu’il est toujours suspect d’être lu plus largement que des ouvrages semi-anonymes et d’avoir une entreprise de vulgarisation. Après tout, ce serait dramatique que tout ce savoir soit accessible à d’autres gens que des élites parisiennes, non?