« Je veux pas qu’il s’en aille. Je veux pas qu’on me le prenne ».
La narratrice, la quarantaine, passe quelques jours de vacances dans un chalet montagnard près d’un lac, avec son amant M. M. adore nager dans le lac et c’est là qu’elle le retrouve mort. Son premier réflexe est de le sortir de l’eau, de l’emmener au chalet, de l’installer dans la baignoire et de lui faire sa toilette. Elle sait qu’il est mort, mais elle ne peut se résoudre à appeler les secours. Pourquoi une telle réaction, elle ne saurait le dire ou plutôt, si, elle a plusieurs pistes qu’elle écrit à la femme de M. dans une longue lettre. Peut-être se justifier, sortir tout ce qu’elle a en elle, tenter de faire comprendre à la veuve son geste, faire taire la douleur le temps de l’écriture, se retrouver, se comprendre…. Beaucoup de pistes car lorsque l’on écrit d’un seul jet, on extirpe beaucoup de sentiments cachés, tus, enfouis. Et puis, surtout, c’est une longue lettre d’amour à M. et pas du tout une lettre d’excuses à la veuve. Non, elle lui décrit sa vie d’avant M. et celle d’ après son arrivée.
Et puis, quoi ! appeler les secours et d’autres mains profaneront l’être aimé, la veuve arriverait et elle le perdrait définitivement, non, encore quelques instants monsieur le bourreau ! Elle a besoin de ces quelques jours pour s’approprier M., ne l’avoir qu’à elle . Cette longue missive est aussi l’espace temps où personne n’intervient puisqu’il faut le temps d’acheminer le courrier, le temps que la veuve débarque.
Le postulat de départ permet à l’autrice d’aller lorgner du côté de l’irréel pour mieux ancrer son récit dans notre monde actuel. Une attente fébrile prend la lectrice, enfin moi…. Comment tout ceci va se terminer car au fil des pages je ressens le malaise de la narratrice, qui, malgré les soins qu’elle prodigue au cadavre sait que la fuite prendra fin bientôt ne serait-ce que par la pourriture du corps et l’arrivée de la veuve. Oui, mais quels errements entre temps !
Adeline Dieudonné, rencontrée et aimée dans ses précédent ouvrages, garde son style direct, spontané, simple qui rend la lecture de ce livre possible. Un roman qui déstabilise, quelque fois glace que je n’ai pu lire d’une traite, pas facile de rester de marbre devant un tel chagrin, mais Ô combien apprécié et puis, même pas glauque grâce au style de l’autrice