Un petit moment que j’ai terminé Rêves d’Acier, le tome 5 de la Compagnie Noire, mon petit retour dessus.
Pour commencer, ce qui frappe c’est le changement de narrateur qui s’accompagne également d’un changement de style. Ici, on suit Madame et non plus Toubib donc exit les remarques sarcastiques et le cynisme ambiant, on a là un ton sec, autoritaire, presque objectif. On adopte le point de vue d’une impératrice et non pas celui « d’une femme » comme on peut le voir ailleurs, ce qui prédomine c’est sa façon de voir les choses, et pas forcément sa personnalité (paradoxalement on en apprend très peu sur elle).
Comme depuis quelques tomes, l’auteur multiplie les fils narratifs : on a trois trames principales. Tout d’abord, celle de Madame : elle va donc restructurer la Compagnie en l’absence de Toubib, s’appuyant sur une secte d’assassins voyant en elle la réincarnation de leur déesse impie. On la découvre bien plus violente et impitoyable que son prédécesseur, preuve de son ancienne autorité sur l’Empire. Elle devra aussi défendre son capitanat, contesté par un autre personnage que l’on revoit dans le roman. On est plongé en pleine mythologie aux fortes influences hindoues (Kali, la secte des Thugs, de ce que j’ai pu déceler). De l’autre côté, on nous décrit la captivité de Toubib, ce qui permet de le découvrir pour la première fois d’un point de vue extérieur. Et puis il y a son geôlier, un de mes personnages préférés qui s’étoffe beaucoup dans ce tome. Pour finir, le reste de l’intrigue est cédé à Ombrelongue et à ses machinations. Partie assez réussie selon moi, on préserve bien le mystère qui l’entoure tout en dévoilant un peu plus sur lui, notamment son savoir sur un certain nombre de secrets de l’histoire comme le passé de la Compagnie. Un certain nombre de pistes sont lancées et ne demandent qu’à être exploitées
(les Asservis, le retour du pouvoir de Madame, la véritable réincarnation de Kina…).
Encore une fois Cook fait du neuf, puisque ce volume n’est pas du tout une redite des précédents et il faut saluer ce travail. Cependant j’ai trouvé ce tome en dessous des précédents. Même si l’on en apprend un peu plus sur la Compagnie et que l’univers s’étend encore, l’intrigue principale (= retourner à Khatovar), elle, n’a quasiment pas bougé, on n’a pas vraiment l’impression d’avoir avancé non plus au niveau des personnages (excepté peut-être Volesprit). Autre point négatif, eh bien pas de Gobelin ni de Qu’un Œil, c’est qu’ils manquent ces deux sorciers !
Oui mais voilà, l’auteur le sait, les fins de tomes sont cruciales, en attestent les fins des tomes trois et quatre. Mais là il pousse le vice encore plus loin car c’est juste un seul chapitre qui fait la différence : le dernier, même pas deux pages, qui vient détruire à peu près toute l’atmosphère posée depuis cinquante pages. Un vrai coup de génie car l’idée est tellement bien trouvée et la narration totalement rompue avec le contexte. On ressent juste la rage froide de Madame, elle va droit au but, pas de fioritures (déjà que le ton du tome était sec…), pas de chichis ou quoi, bim direct dans ta face, on sait que ça va délivrer au prochain tome. La dernière phrase « Je clos le livre de Madame » sans aucun préambule, aucune transition, aucune conclusion ne donne une seule envie, se jeter sur le tome suivant.