Patrick Modiano, écrivain, prix Goncourt, prix Nobel, Paris.
ou Guy Roland amnésique et ancien détective privé, Paris_Particularité: mène une enquête sur un illustre inconnu: lui-même
ou Pedro McAvoy vrai-faux diplomate avec vrai-faux passeport de la République dominicaine. _Seul indice: apparaît sur une photo sépia avec trois de ses relations passées
ou un simple quidam qui n'aura laissé aucune trace à ceux qui voudront un jour remonter leur généalogie, et qui s'invente par là-même un passé rêvé
Patrick Modiano va donc essayer de nous faire participer à un jeu de piste dans un Paris intemporel à la recherche des témoins réels ou supposés ayant connu Guy Roland afin de reconstituer son passé. L'enquête importe moins que l'atmosphère, où des fantômes parfois bienveillants, parfois inquiétants apparaissent derrière des fenêtres éclairées la nuit. La lecture prend un ton insolite et vaguement désuet quand l'imparfait du subjonctif qui exprime l'incertitude et l’ambiguïté point au détour d'une écriture habituellement simple, ce qui éloigne définitivement le spectre du réalisme de ces détours vers la quête du passé.
L'enquête de personnalité ne nous amènera pas vers les barres d'immeubles de la banlieue mais dans les rues des beaux quartiers à la rencontre de personnages appartenant à une aristocratie cosmopolite surannée aux noms exotiques: Stioppa de Djagoriew, Waldo Blunt, Paul Sonachidzé.
En même temps qu'il rassemble les morceaux des bribes de son passé, Pedro McAvoy, c'est son nouveau nom, est gagné par un sentiment diffus d'inquiétude.
Il semblait que les fenêtres de tous ces immeubles absorbassent l'obscurité qui tombait peu à peu.
Peu à peu surgissent du néant les vagues souvenirs attachés à d'anciennes relations aux noms improbables semblant provenir de gravures sur des pierres tombales : l'ami Freddie Howard de Luz, Denise Coudreuse la compagne aux traits asiatiques, la belle Gay Orlow, Porfirio Rubirosa le diplomate, André Wildmer le jockey, Oleg de Wrédé et son sourire éclatant. La fin du roman rend plausible la perte de la mémoire et la disparition de toutes les anciennes relations.
Rue des boutiques obscures identifie progressivement ces fantômes au hasard des pérégrinations parisiennes et nous immerge dans un climat de rêve éveillé nostalgique qui est maintenu du début à la fin du roman.