Samedi
7.2
Samedi

livre de Ian McEwan (2005)

Samedi, de Ian McEvan n'est rien de plus que le récit du samedi de Henri Perowne, neurochirurgien.
 
Dès le réveil, le bon Docteur pressent que la journée sera empreinte d'une étrange fébrilité. Il commence par être le témoin passif d'un crash aérien au milieu de la nuit. Puis une manifestation contre la guerre en Irak à laquelle il ne souhaite pas participer et un accrochage en voiture avec un type franchement louche auquel il participe malgré lui viennent perturber sa journée. Enfin, ses pensées sont régulièrement ramenées vers le dîner, pendant lequel il espère réconcilier sa fille et son beau-père, et qui promet d'être aussi réjouissant que pénible.
 
Plus de 300 pages pour raconter une seule journée, ça peut paraître long. Et pourtant, on ne s'ennuie pas un instant. Car plus qu'un samedi, ce roman vient nous conter le fourmillement de pensées qui assaille en permanence l'être humain, allant des regrets aux attentes, du bilan positif à l'appréhension. On navigue ainsi avec grâce dans les souvenirs du Docteur, au gré des pérégrinations de son esprit. On espère et on angoisse avec lui.
 
L'histoire a pour trame de fond le Londres de 2003, alors que l'Europe attend les attentats qui ne manqueront pas, de l'avis des personnages, de la frapper. Sans moralisation, le roman donne la parole à un fervent partisan de la guerre en Irak (un patient du chirurgien) et à une opposante acharnée (sa fille), et laisse notre héros plein de doutes et d'indécision, sur un conflit dont il ne se sent finalement que peu responsable.
 
Loin d'être hissé en un genre de héros détenant la vérité, Henri Perowne est écrit comme un homme imparfait, dont les idées sont parfois peu abouties. Malgré son bagage universitaire et sa culture, il est empli d'un certain nombre de préjugés et son protectionnisme envers sa fille en fait même un vieux con, flirtant avec la condescendance. Ces traits pourraient le rendre antipathique. À l'inverse, ces imperfections révèlent un personnage complexe, dans la moyenne, bien plus attachant qu'un pseudo modèle de perfection idéologique lisse. Car si le neurochirurgien a de nombreux travers, il tente de se corriger dès qu'il en prend conscience, de lui-même ou en débattant avec d'autres personnages. Pas un esprit borné donc, mais un homme en amélioration permanente.
 
Le fait que son opinion parfois étroite soit heurtée par les autres personnages permet de comprendre qu'il ne s'agit pas de La Vérité, mais simplement de la perception de Perowne. C'est ici la force du récit : une lecture uniquement au travers de la pensée du neurochirurgien. Par ailleurs, le choix de cette profession a quelque chose d'ironique, comme si l'auteur avait voulu remettre son personnage à sa place. Ce dernier peut se vanter de sa capacité à réparer les cerveaux, mais il passe totalement à côté de la pensée, flux immatériel qui échappe à son esprit rationnel et ses outils chirurgicaux.
 
Finalement, Ian McEvan propose un beau roman, dans une langue riche, mais fluide, qui nous promène dans l'esprit de son personnage. L'imbriquement des événements privés et de l'actualité place le récit dans une période charnière très révélatrice de notre monde actuel et lui donne une perspective allant au-delà de l'exercice de style consistant à ne romancer qu'une unique journée.

Felin-Sceptique
8
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Créée

le 27 avr. 2018

Critique lue 371 fois

Felin-Sceptique

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