Les œuvres phares d’Alessandro Baricco, Noveccento et Soie, ayant été abordées, il ne faudrait pas pour autant croire que l’auteur italien ne s’est limité qu’à un style, celui de courts textes vaporeux et troublants. Bien au contraire, avec Sans sang il démontre d’autres facettes de son talent, avec une nouvelle énergie, presqu'une rage.
Le roman est composé de deux parties. La première se passe après la guerre mondiale, où un groupe de personne désire obtenir revanche sur les comportements de Manuel Roca pendant celle-ci. Ce dernier a fondé une petite famille. Ils vont être décimés par les assaillants, à part la petite fille. Cette dernière, 50 ans plus tard, va retrouver le seul survivant des meurtriers, Tito, et chacun va raconter sa version de l’histoire et la suite de ces évènements tragiques.
C’est une œuvre très duale, sur une multitude de thèmes : sur le pardon ou la revanche, sur la mémoire empoisonnée ou apaisée, sur le souvenir de la guerre. Ces deux parties font penser à l'oeuvre de Quentin Tarantino, dans sa violence déployée et son goût de la conversation. Si la première est avant tout un western, un assaut sanglant, la deuxième est une conversation dont la violence réside dans les mots et les non-dits. Chaque personnage est nuancé dans une gamme de gris, avec ses raisons, ses mobiles.
C’est un court roman dense et brutal, dans une gamme de ton qui ne semblait pas encore avoir été explorée par Alessandro Baricco. Sans sang est haletant, il prend aux tripes, et se lit dans une grande fièvre. Le doux brouillard de Noveccento et Soie a laissé place à l'orage.