Tout simplement réflexif

Yuval Noah Harari nous présente ici une sorte d'odyssée de notre civilisation, en tant qu'Homo Sapiens. D'un verbe qui se veut accessible et avec un certain talent de narration, l'auteur nous plonge dans 70 000 ans d'histoire.

L'Histoire est ici le maître mot, le leitmotiv du récit. Celle-ci est divisée en grande partie intéressante, sous l'égide de révolutions propres aux Sapiens. Ainsi l'on traverse entre autres la révolution cognitive, la révolution agricole, la révolution industrielle et la révolution scientifique. Ces points giratoires permettent à ce professeur d'histoire israélien de nous apporter des éclairages dynamiques quant à l'évolution de l'espèce.

Nourrissant, le texte est pourvu d'appuis théoriques référencés, illustrés de vignettes au besoin. Intelligent, le déroulé nous permet d'embrasser cette longue évolution avec clarté, et avec une belle profondeur par endroits. Et même si les quasi 500 pages ne suffisent pas pour être un réel livre d'histoire de l'humanité, car il faudrait certainement une centaine de tomes comme celui-ci, ce breuvage littéraire donne tout de même de quoi hydrater une réelle soif de connaissance.

L'intérêt scientifique est présent, sans pour autant en être l'objectif le plus important. Non, le plus important est plutôt de nous permettre de réfléchir à cette longue évolution. Parce que la fin du texte nous est contemporaine, et parce que nous avons traversé toute cette épopée, l'auteur nous propose une vision de notre présent, ouvrant rapidement sur le futur non lointain, de manière à nous faire embrasser cette vertigineuse course dans laquelle nous nous sommes lancés, esclaves peut-être d'une technologie justifiée par la science.

Un point lumineux m'a particulièrement plu. C'est lorsque l'auteur nous parle des croyances en lesquelles nous avons donné tant d'énergie, et en lesquelles nous continuons à le faire. Il part du principe que la croyance religieuse, monothéiste par exemple, voit son redéploiement dans le capitalisme, le nationalisme ou encore les droits de l'homme, par exemple. Ainsi il explique que toutes ces idéologies, ces doctrines n'existent pas objectivement. Elles sont le fruit de notre imagination. Celle-ci nous a fortement aidés dans notre développement primaire, par exemple en nous différenciant de Néandertal. Sapiens, par ses capacité d'imagination a su se fédérer en grand nombre, plus que Néandertal, ce qui nous a valu de lui survivre. Et cette même imagination nous a conduit aux différentes croyances, toujours pour nous fédérer autour d'axes finalement moteurs de notre évolution. C'est ce qui a finalement créé notre stabilité et notre force à long terme.

Par ailleurs, enfin, j'ai apprécié la manière dont il a amené certains détails pour montrer l'aspect paradoxal de Sapiens. Par exemple, lors du commerce triangulaire, les esclaves Noirs ont été choisis parce qu'ils résistaient mieux au paludisme. Ainsi, les Blancs, moins résistants à cette maladie se voyaient socialement au-dessus des Noirs, colons, alors que ces derniers étaient biologiquement plus résistants, esclaves. A méditer...

Certes il y a de quoi critiquer dans les recoins si l'on veut être rigide ou critique acerbe. Mais je crois que ce livre a le mérite de répondre à une intention simple : être réflexif pour le plus grand nombre. Que l'on soit érudit ou novice, la lecture de ce livre met nos neurones en action. Et c'est déjà beaucoup dans ce monde libéral du divertissement, insipide et creux, rendant les cerveaux lents.