Tout d’abord, Shining c’est, dans les grandes lignes, l’histoire de la désintégration d’une famille, les Torrance, à cause d’un hôtel contenant une puissance maléfique et obsédante qui cherche à s’emparer du Don de Danny, le Shining.
Les personnages sont assez finement réfléchis et moins clichés que ceux de l’adaptation de Stanley Kubrick. Wendy, la mère de Danny, souffre en raison de son lien avec sa mère tyrannique et combat ce trait de caractère aussi présent en elle. Danny possède le Shining, ce sixième sens (pouvant être assimilé à une sensibilité hors norme), qui lui permet de voir des épisodes appartenant au passé ou au futur et ressentir les pensées de ses parents (il sait que ceux-ci ont pensé à divorcer quelques années auparavant et porte toujours cette crainte en lui). Jack, c’est le père de famille qui essaye de ne pas retomber dans l’alcoolisme et qui a toujours été relativement instable et violent (comme lorsqu’il casse le bras de Danny parce que celui-ci a mélangé ses papiers). Malgré cela Danny tient beaucoup à lui et recherche son approbation. Concernant sa relation avec Wendy, il tente de se convaincre qu’il aime encore mais des éclairs de violence dans ses pensées montrent le contraire. C'est, en outre, un écrivain en manque d'inspiration qui semble apprécier les personnages ayant le "mauvais rôle" car il compatit avec eux.
Lui refusait de jouer le rôle du moraliste.
Jack a été viré de son travail, il ne parvient pas à se faire embaucher ailleurs mais un de ses amis lui trouve le poste de gardien à l’Overlook.
Il s’agit de sa seule chance de recommencer ensuite une vie normale, ou du moins, une vie où lui, Wendy et Danny ne seraient pas obligés de mendier pour survivre (la beauté du système américain qui ne leur offre pas réellement de deuxième chance…)
Jack se plonge peu à peu dans les archives de l’Overlook et y a découvre son passé fumeux (entre magouille et mafia). Puis il se met à rêver de son enfance ; on découvre son père violent et alcoolique qui battait sa mère, une femme effacée. Il allume le poste de radio et capte une fréquence où la voix de son père lui ordonne de tuer Wendy et Danny pour se faire respecter (Jack casse le poste pour le faire taire). Partagé entre idées et émotions contradictoires mais aussi son obsession pour l’hôtel, Jack se décide à rédiger l’histoire de l’Overlook.
Et pour la même raison que l’on écrivait toute grande œuvre littéraire, que ce soit de la fiction ou non : pour dire la vérité, laquelle finit toujours par éclater. Il l’écrivait parce qu’il avait besoin de l’écrire.
L’hôtel fait peu à peu ressortir la haine et la violence de Jack qu’il peinait déjà à contrôler auparavant. Il se fait manipuler par l’esprit de l’hôtel pour devenir la pire version de lui-même, un monstre, personnage malléable qu’il devient à cause de son environnement.
C’était lui qui était vulnérable et que l’on pouvait plier et tordre jusqu’à ce que quelque chose cassât.
Il va donc jusqu’à tenter de tuer Danny et blesser gravement Wendy. Le combat final, peu avant sa mort dans l’incendie de l’hôtel, se situe entre le peu de raison qu’il lui reste et le monstre qu’il est devenu. Mais on devine que l’esprit du « mal » présent dans l’hôtel ne meurt pas lors de sa destruction dans l’incendie. En effet, Dick Hallorann, le cuisinier saisonnier de l’hôtel venu sauver Wendy er Danny (celui-ci l'ayant appelé avec le Shining car Dick le possède également), voit planer quelques temps une masse sombre au-dessus de l’Overlook flambant, puis elle disparaît mystérieusement. Alors que Dick part chercher des couvertures pour Danny et Wendy dans la remise, l’esprit réussit presque à le pousser à s’emparer d’un maillet pour les tuer (l’esprit se sert du racisme dont a souffert Dick pour faire ressortir la violence discrètement cachée en lui). Mais il revient à lui et comprend, horrifié, ce qu’il a faillit faire. Il me semble que Stephen King souhaite montrer que nous sommes façonnés par notre passé et notre environnement, qu’en nous tous existe une part, plus ou moins enfouie, de monstre que nous essayons de canaliser avec notre réelle personnalité. Et parfois, dans un environnement instable, cette part de violence et de folie peut gagner la partie.
Il faut garder son amour vivant et aller de l’avant, quoi qu’il arrive, faire ce que l’ont doit, sans jamais renoncer.
Il est difficile de juger, comme on peut difficilement blâmer Jack alors que Dick, qui symbolise "le bien", a faillit , lui aussi, se faire vaincre par sa haine. J'ai donc trouvé ce livre profondément touchant. Il dévoile les doutes de Stephen King concernant "le bien" et "le mal", montrant les limites de la vision manichéenne et l'importance de l'empathie.