1812, un blocus imposé par Napoléon empêche l'Angleterre, en guerre contre l'empereur français, d'exporter son textile. De plus, la modernisation par l'apparition des machines pointe le bout de son nez. Largement de quoi mettre sur les nerfs les ouvriers et les pousser à la révolte. Robert Moore, jeune directeur d'une usine de textile du Yorkshire décide de tenir coûte que coûte. Il est tellement obnubilé par ses objectifs qu'il ne s'aperçoit pas du tout de l'amour que lui porte Caroline Helstone, jeune fille timide et incertaine, nièce d'un des révérends du coin. L'apparition d'une jeune héritière, Shirley Keeldar, d'un caractère dur et déterminé, va bouleverser tout ce petit monde...
Méconnu dans l'oeuvre de Charlotte Brontë, comme toutes les romans qui ne s'appellent pas Jane Eyre, Shirley, hommage à sa sœur Emily (duquel le personnage en titre est inspiré !!!), est une espèce de roman hybride, qui semble partir sur le roman social façon Nord et Sud de son amie Elizabeth Gaskell mais ensuite met ceci au deuxième voire même au troisième plan, les ouvriers se résumant pour l'auteur à une masse bruyante et brutale qui ont des raisons légitimes de l'être, pour enchaîner ensuite sur un roman d'amour mais tout dénué de romantisme, ou presque, montrant l'amour comme pouvant être destructeur et très dangereux pour la santé ; le tout avec la description d'une petite ville du Yorkshire et de ses mœurs. Hybride aussi parce qu'on s'étend longuement sur un personnage, puis on s'étend longuement sur un autre et ainsi de suite, et puis on retrouve qu'un personnage précédemment longuement décrit que quand il est mis en interaction avec le personnage longuement décrit du moment.
Un ensemble bizarre mais fascinant et jamais déplaisant à lire où un féminisme rageur s'exprime par éclairs contre la condition des femmes de l'époque (celle du livre mais aussi celle de son écriture !!!) et où l'humour n'est pas aux abonnés absents en particulier lors des adresses aux lecteurs qui émaillent de temps en temps l'oeuvre.
If men could see us as we really are, they would be a little amazed;
but the cleverest, the acutest men are often under an illusion about
women: they do not read them in a true light: they misapprehend them,
both for good and evil: their good woman is a queer thing, half doll,
half angel; their bad woman almost always a fiend.