Shuggie, c'est le gosse. Qu'on peut pas confondre avec Shug le père, qui cogne beaucoup sans amour sur Agnes, la mère de Shug.
Pour Shuggie, sa mère est un joyau pur, une Déesse sur laquelle il faut veiller, bien qu'elle puisse très bien se défendre toute seule, mais contre laquelle l'alcool semble gagner de plus en plus de terrain au fil du temps qui s'écoule très (trop) lentement dans cet endroit qu'on appelle Pithead.
On ne naît pas alcoolique, on le devient. Quoique c'est sûrement aussi dans quelques gênes si on cherche à faire des raccourcis un peu trop facilement et qu'on veut invoquer la méchanceté. Et Shuggie aime tellement sa mère que peu importe l'ivresse, il ferait n'importe quoi pour elle.
Faut dire aussi, c'est pas facile d'aller se réfugier ailleurs, ni d'avoir un autre modèle sur qui se plaquer. Vivre dans les corons écossais c'est pas ce qu'on fait de mieux comme décor social pour s'épanouir pendant l'enfance. Margaret Thatcher mérite bien son surnom pour qui a vécu la crise sous son règne.
En plus apparemment - d'après certains quoi - Shuggie il serait un peu tout de traviole.
Enfin ça, ce sont les autres qui le disent. Il n'y a que Shuggie qui ne comprend pas ce qui cloche chez lui. Il parle bien, il est précieux, marche bizarrement, ne semble pas trop attiré par les filles. En quoi tout ça serait un problème quand on a entre 7 et 11 ans ?
J'irai pas plus loin sur l'histoire. Sachez que j'ai eu l'impression d'avoir un gros shaker entre les mains (émotionnel, tirant un peu vers le mélo mais suffisamment intelligent pour ne pas tomber complètement dedans grâce à cet humour froid et aigre qu'est l'humour écossais). Un gros shaker dans lequel on aurait foutu beaucoup de This is England, beaucoup de Billy Elliot, un gros soupçon de Trainspotting, une bonne pincée d'Edouard Louis et pour finir un zeste d'Annie Ernaux.
Pour qui n'a jamais lu toutes ces personnes, Shuggie Bain sera une belle et somptueuse expérience. Pour les autres, ça restera un très bon roman, puissant et dont on regrette d'avoir déjà trop lu à côté pour en saisir toute la lumière qui s'en dégage.
Malgré qu'on soit dans une oeuvre de fiction, la partie autobiographique n'est jamais vraiment très loin ; les scènes sonnent justes, tout en étant pourtant naïves et millimétrées comme il se doit.
Il fallait peut être un Betty (je parle forcément de celui de Tiffany McDaniel chez Gallmeister) aux éditions Globe pour enrichir leur catalogue, et Shuggie Bain remplit la part de son contrat en ce qui concerne la partie documentaire et sociale.
Je vais donc avoir beaucoup de bienveillance sur ce bébé. Il le mérite, et si vous décidez de sauter le pas je ne doute absolument pas que ce sera également votre cas.
Bonne lecture !