Cinq heures je marche bon train
Le vent souffle fort ce matin.
Les damnés se meuvent sans filin,
Ne peuvent se donner la main.
Je regarde leurs coques vides de loin
Ils savent qu'ils ne sont rien
Juste des numéros moins que des chiens.
Le vent ce matin est si froid
Depuis quatre heures aux abois
Une heure passe c'est la loi
L'appel résonne encore une fois
Alors on marche ou quoi ?
Il est cinq heures je meurs de froid.
Mes bottes crissent dans la neige
J'observe le lent manège
De ces rats pris au piège
Qui à midi feront le siège
D'une maigre soupe beige
Aussi triste que leur cortège.
Encore une sale journée
À travailler pauvre condamné
Je dois survivre je dois lutter
Ne pas me laisser broyer
Je suis fort je le sais
Je rentrerai, je les reverrai !
Je m'approche, ils sont pathétiques
Méritent à peine les coups de trique
Du kapo, cet exécutant cynique.
Je vois dans un regard famélique
Une lueur de haine hypothétique
Je sors mon arme d'un geste tonique.
Un SS le peloton se fige.
Il nous regarde, nous dévisage.
Je le fixe ce n'est pas sage
Il pourrait en prendre ombrage.
Il est proche de moi, courage !
Son arme brille, adieu mon village.
Ce juif croit m'impressionner !
Doucement je lève le pistolet
Un ordre on le fait avancer
Méthodiquement s'agenouiller
Je vise sa nuque gelée
Sur la gâchette juste appuyer.
Je me sens si bien malgré le froid.
Dans le blizzard j'entrevois les bois
Où je me promenais parfois
Avec mes enfants, mes petits rois.
Je respire une dernière fois
La balle claque, elle me broie...
Il est tombé comme un pantin
Une tache rouge dans le matin glacé
Ses fils coupés sa vie envolée.
Pas de remords, juste la fidélité
À notre race, à nos idées
Ce n'est rien il n'était pas humain.