L’humain a cela de paradoxal qu’il redoute autant sa fin qu’il raffole des scénarios catastrophes rédigés à l’attention de sa civilisation. Le genre du post-apocalyptique, en l’exergue florissant, nous dépeint ainsi dans une multitude de variantes la lente agonie de systèmes branlants, érigés faute de mieux dans un futur aussi fascinant que terrifiant. La dystopie, apocalypse ou non, s’impose également dans bien des cas, et il n’est ainsi guère surprenant que Wool (Silo) ait pu faire son trou dans la pléthore d’œuvres du même acabit.
Le succès du roman de Hugh Howey transpire à l’aune de ses préquel (Shift) et suite (Dust), tandis que la récente série TV Silo fait figure de consécration… tout en accroissant notre intérêt pour son modèle littéraire. Et, de fait, Wool n’usurpe en rien sa chouette réputation, celui-ci recyclant avec habileté le modèle de la société dystopique tiraillée entre coercition (qu’il s’agisse de normes humaines ou des limites/menaces imposés par l’environnement) et espoir : ce dernier prisme convoquant d’invariables mystères concrets ou non, l’investigation des personnages (et, forcément, la nôtre) pouvant tout aussi bien mettre le doigt sur une réalité que formuler des hypothèses sans fondement.
Bien qu’il faiblisse dans son second acte, ses atouts cédant le pas à une prévisibilité croissante, Wool se tient parfaitement, agile qu’il est dans le maintien d’un suspense allant croissant. Très efficace d’emblée, à la faveur d’un rebondissement en disant long sur ses ambitions narratives, Howey va nous ferrer avec aisance et ne plus nous lâcher : le récit s’avère captivant d’un bout à l’autre, distillant ci et là les graines d’une discorde ne demandant qu’à éclater. Sa réussite réside aussi dans l’écriture de ses protagonistes, qu’ils nous quittent prématurément ou non, car tous seront à la fois attachants et cohérents dans l’évolution de ce gigantesque silo.
Un silo qui, par sa nature d’écosystème unique comme spécial, n’a rien de manichéen : si nous seront pour sûr tentés de prendre parti, les conditions (connues et supposés) de pareil prison souterraine nourriront bien des réflexions, les enjeux émergeant au fil du récit n’ayant de cesse de rebattre les cartes tout en élargissant les murs d’un univers pourtant « fini ». Wool a donc cela de plaisant qu’il ménage habilement la composante divertissante de son histoire avec celle plus intellectuelle, les deux n’ayant de cesse de se répondre pour mieux se développer de concert… et le lecteur d’en tirer ses propres conclusions tout en prenant son pied.