Dégueulasserie de haut niveau
Télé, radios et internet se sont liguées contre le peuple français pour lui rabâcher les oreilles au sujet du dernier livre de Houellebecq (qui soit dit en pensant ressemble désormais plus à l'idée que l'on se fait d'un épouvantail que d'un être humain normalement constitué), Soumission, aux accents sulfureux de BDSM quand en réalité, on parle "seulement" de la soumission du personnage principal au système étatique qui est en train de se mettre en place sous ses yeux. Programme a priori alléchant donc. Va-t-on avoir un roman psychologique digne des plus grands ? S'agit-il d'un challenger de 1984, comme certains critiques littéraires sous LSD ont tenté de nous le vendre ? Est-ce aussi subversif que tonton Michel à table un soir de réveillon qui prétend que l'homosexualité est contre-nature ? Les espoirs sont immenses.
J'ai démarré ce roman mercredi matin, aux alentours de neuf heures. J'en étais à peu près au moment de l'ascension du parti musulman quand, à la télévision, je vois les bandeaux "urgent" et "alerte attentat" aux couleurs criardes pulluler sur les chaînes d'information de la TNT. Parallèle vertigineux : d'un côté, la réalité sombre d'une actualité électrique, chargée en émotion, générée par des fanatiques aux cris répétitifs des "Allah Akbar". De l'autre, une fiction pire que médiocre qui tente de me faire croire que les musulmans veulent me voir en tant que femme m'habiller dans des tenues difformes pour cacher les rondeurs de mon corps, et me marier à un type de vingt ans mon aîné pour lui faire des pipes tant que je serai jeune, puis des mezzes une fois la quarantaine passée, tout le monde sachant que l'âge transforme la gente féminine en des machins ridés aux allures de pruneaux d'Agen.
Autant le dire d'emblée, la lecture de Soumission fut éprouvante. Soumission nous parle de François, un universitaire reconnu pour sa thèse sur Huysmans qui vit à travers la télévision en mangeant ses plats Casino réchauffés au micro-ondes l'avènement à la tête de la France du Parti Musulman, représenté par un certain Mohammed Ben Abbes. En dehors de ces passages "d'actualité", qui représentent à peu près un cinquième du livre, nous avons surtout droit aux pérégrinations d'un individu totalement paumé dans le meilleur des cas qui profite de la vie en tant que dominant, ce qui confère un caractère totalement absurde au titre de ce bouquin. Quoi en effet de plus "simple" d'être un homme blanc avec de l'argent dans une organisation capitaliste ? Houellebecq nous le démontre tout au long de cette mauvaise fiction en nous parlant au bout de dix pages de son phallus (pardon, c'est François qui parle de son phallus. Mais comme il s'agit d'une récurrence houellebecquienne, digne d'une loi de Student...). L'obsession du sexe, omniprésente et franchement à la limite du supportable motive jusqu'à la conversion du personnage principal à l'islam pour pouvoir avoir droit à la polygamie et ne pas finir ses jours seul comme un vieux con. Passer d'un système de dominants, cassé en deux par le nouveau régime actif à un autre système de dominants, avec : argent, sexe, bouffe à foison. Fantastique. On se fout peut-être un peu trop de notre gueule.
Comment j'ai noté ce torchon qui m'a fait lever les yeux au ciel une bonne dizaine de fois ? De dix sur dix, je suis passée à sept sur dix par l'échec constaté de ce qui se veut être un objet sérieux d'anticipation, comme si ce que l'on lit pouvait arriver dans notre monde actuel (qui y croit sérieusement ? Allons allons). Il faudrait, pour que cela soit possible que Houellebecq ait déjà fait un travail correct en amont pour se renseigner un minimum sur tout ce qui est traité dans son roman afin que sa fiction nous paraisse crédible. Malheureusement, c'est bel et bien fichu. Les musulmans ne sont pas tous barbus et polygames, comme les noirs ne forment pas tous des milices tout en étant vigiles pour gagner leur croûte. On peut croire le contraire en ayant abusé de TF1 un gros saucisson à la main, ce n'est pas mon cas.
Cinq sur dix pour la narration, l'écriture est d'une pauvreté affligeante. Des etc partout, des virgules placées à des endroits improbables, des passages du coq à l'âne dans des phrases qui perdent le lecteurs, et le pire, des dialogues qui nous prennent pour des demeurés. Exemple choisi avec soin : après une fellation, Myriam, une étudiante que François a réussi à serrer lui dit "tu sais, je suis ni une pute, ni une nymphomane, je t'aime vraiment". Parce que, si elle ne l'aimait pas, elle serait une pute ou une nymphomane ?! Houellebecq aurait du trouver ses sources ailleurs que sur le 18-25.
Un sur dix pour l'insulte permanente faite aux musulmans, aux noirs, et aux femmes, toutes décrites à travers le prisme du "toi je te baise, toi je te baise pas donc tu pourrais potentiellement me faire la popote". "Mais, c'est une fiction !". Oui. Que son auteur ne soit pas dédouané de ses propos réels, largement étayés dans cette fiction parce qu'on a simplement mis le tampon "fiction" sur ce récit.
Enfin, deux sur dix, un point de plus pour le seul intérêt de ce livre à mes yeux, qui est de m'avoir fait découvrir Huysmans. Accordons lui ce mérite, à défaut du reste.