C'est avec son autobiographie que j'ai quasiment fini de découvrir le bonhomme Bukowski et son acolyte inséparable Henri Chinaski. Avec le recul c'était pas un mauvais choix (bien que ce n'était pas un choix, je lis en priorité ce qui me tombe sous la main), ses Souvenirs n'ont fait qu'apporter un éclairage sur un auteur que je connaissais très bien et dont j'admirais le style. Cependant, étant donné que Factotum et les Contes de la Folie Ordinaire sont en grande partie biographique il est préférable de commencer par le début, raconté dans les Souvenirs.
Les Souvenirs c'est l'histoire d'un gamin, pas tout à fait comme les autres, mais il n'en est pas très loin. Ce qui le caractérise le plus c'est l'avance considérable qu'il a déjà pris sur sa génération. Il a compris que la plupart des hommes sont des ordures, bien aidé par son papa, un célèbre joueur de badine. Sa mère, une sorte d'obscurantiste, ne vaut guère mieux. Ses congénères mâles ne sont quant à eux que des abrutis que ne valent même pas le crochet du droit que Charles sait si bien envoyer. Ils sont plutôt à plaindre, ils ne se rendent pas la vacuité de leur existence, et surement qu'un jour il tomberont de haut.
C'est en cela, et en bien d'autres choses que Bukowski est en avance. Les autres gamins en sont encore à fantasmer sur les tétés de Wonder Woman que lui rêve déjà de soulever la jupe de sa prof pour lui caresser brutalement l'entre-jambe. D'ailleurs les mauvaises langues réduiront Bukowski à un pervers alcoolique qui passe son temps à parler du crochet qui lui sert de verge et à traiter les femmes de salopes assoiffée de sperme.
A ceux-là on ne peut que conseiller la lecture des Souvenirs. Bukowski s'y dévoile dans toute sa grandeur. Parce que Bukowski c'est avant tout un homme très cultivé, très tôt passionné par la lecture (ça aide de pas avoir de pote), qui raconte merveilleusement ici sa rencontre avec les auteurs qui lui donneront envie d'écrire pour notre (mon?) plus grand plaisir. Un fervent admirateur d'Albert Camus (ouais, bravo Charles!), de Louis-Ferdinand Céline (aaah, berk!), de Thoreau, Hemingway, Dostoïevski, et bien d'autre dont j'ai oublié le nom mais qu'il faudrait que je retrouve.
Avec les Souvenirs on découvre un Bukowski plus que jamais sensible et touchant. Mais je n'entend pas par là une pleureuse qui lamente sur son sort. C'est un homme qui a eu une enfance difficile et qui a cherché des moyens de s'en sortir. Que ce soit par la lecture pour s'évader (un peu facile), en se construisant une carapace de gros dur, ou en adoptant une pensée nihiliste pour faire croire que toutes les emmerdes lui passent au dessus.
On peut penser ce qu'on veut du Bukowski de Factotum, Pulp, Les Contes de la Folie Ordinaire, Au Sud de Nulle Part. On peut penser que c'est un vieux dégueulasse associable, incapable de nouer des relations durables ou de mener une vie saine. Mais on ne peut qu'aimer le Bukowski des Souvenirs d'un Pas Grand Chose.