J’ai décidé de m’attaquer à Charles Bukowski non pas par ses premiers ouvrages mais par son œuvre semi-autobiographique intitulée Souvenirs d’un pas grand-chose. Bukowski nous partage ici ses souvenirs d’enfance et d’adolescence avec beaucoup de sincérité et de vérité.


Élevé dans une famille pauvre de l’Amérique des années 30, Henri Chinaski n’a jamais vraiment trouvé sa place dans ce monde qui lui semble étranger. D’abord coupé du monde par son père qui ne veut pas qu’il sorte jouer avec ses voisins « parce qu’ils sont pauvres » puis contraint, malgré lui, d’intégrer ce monde qu’il ne connait pas par l’intermédiaire de l’école. Henri est rapidement perdu et le décalage qu'il ressent avec les jeunes de son âge lui donne envie de vomir.
Marginal par nature et rapidement marginalisé par ses camarades, le jeune Henri va grandir dans cet environnement malsain qui ne lui épargnera aucune peine.


Solitaire endurci à la limite du misanthrope, Il choisit ses amis par dépit et c’est souvent eux qui se collent à lui. Ce point est tout de même à relativiser... même s’il fait de nombreuse fois l’éloge de la solitude on le retrouve souvent accompagné au fil du roman.


On suit donc toutes les étapes qui le mène vers l’âge adulte, de ses exploits sportifs à ses premiers émois.



Un livre qui parle de pas grand-chose ?



Des choses à dire il en a, Henri, des choses à dire sur son époque, sur sa famille, sur le système scolaire, sur la vie, sur la mort, sur la justice mais surtout sur l’injustice. Lui qui doit grandir hanté par les conséquences de la crise de 29 puis confronté aux prémices de la deuxième guerre mondiale, période, on l’imagine, difficile pour le fils d’immigré allemand qu’il est.


Face à l’absence de sens et de justice du monde qui l’entoure le jeune Henri, souffrant d’une acné chronique qui condamne à ses yeux tout espoir de réconfort féminin, ne peut que se réfugier dans l’alcool, le rire et la littérature (dans cet ordre).



Mon père ce héros



Bukowski nous transmet magistralement tout le dédain qu’il ressent pour son père.
Ce père qu’il méprise mais qui ne mérite pas sa haine. Personnification de tous les affres de la société américaine qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez, ce père apparait comme terre à terre, avide, grossier, brutal, abrupt et doté de cette fierté factice qui le caractérise.
Un personnage somme toute assez détestable ! Ancré dans le conformisme et encore illusionné par le rêve américain et son idéal, ce père croit détenir la vérité et se sent tout puissant même quand il est confronté à sa propre petitesse. Honnissant la pauvreté, la faiblesse, la fragilité et incapable, de fait, de saisir la beauté de ce monde.



Cette brutalité du père n’a d’égal que la brutalité du monde.



Ce monde injuste, arbitraire et déloyal est la toile de fond de ce roman difficile mais essentiel (livre à éviter en période de dépression tout de même)


Bukowski nous gratrifie d’une œuvre touchante, drôle et intelligente. Sans jamais tomber dans la victimisation, il dépeint avec une sincérité désarmante la fatalité de ce monde absurde à tel point que ses lecteurs les plus jeunes peuvent dire de lui ce qu’il dit de Tourgueniev



Tourgueniev était un mec très sérieux mais qui arrivait à me faire
rire parce’une vérité sur laquelle on tombe pour la première fois,
c’est souvent très amusant. Quand en plus la vérité du monsieur est la
même que la votre et qu’il vous donner l’impression d’être en train de
la dire à votre place, ça devient génial.


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le 23 mars 2022

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