Au bord de la Zone de silence
On pourra critiquer la collection « Folio SF » pour ses couvertures argentées hideuses et le titre qui n’est pas le bon (oui, « l’effet "Blade Runner" »). Mais on ne reprochera pas aux gens de Gallimard d’avoir établi une édition fiable de ce roman — service qu’il faudrait rendre de façon générale à la littérature de science-fiction, ce qui est un autre sujet.
J’ai retrouvé en lisant "Pique-nique au bord du chemin" un plaisir que je croyais celui des lectures d’enfance, mais qui est peut-être celui de la bonne S.-F. : vouloir terminer le livre, pour connaître le fin mot de l’histoire, tout en souhaitant que celle-ci se prolonge encore le plus possible. L’univers mis en place par les frères Strougatski est suffisamment riche de silences pour pousser à cela : du but précis de la « Zone » pour les extraterrestres qui l’ont laissée, on ne saura rien ; de ses propriétés, des objets qui s’y trouvent, des personnages qui y sont morts, de ceux qui y revivent, de ceux qui la bordent, de leur avenir, pas grand-chose.
En fait, la « Zone », on sait ce que c’est depuis Tchernobyl et Pripiat, depuis ces grands bâtiments sinistrés qui se sont mis à border les usines désaffectées de Kadykchan, de l’ex-Berlin-Est, de Manchester ou d’ailleurs à la fin du XXe siècle. "Pique-nique au bord du chemin" a été publié en 1972.
Un truc intelligent, intrigant et visionnaire.