Rien n'est expliqué, pourtant tout est dit. On effleure des éléments de motivation, mais on sait que ce n'est pas ça. On reste à la surface car c'est justement ce vide qui prend relief par contraste. Cette douleur insondable qui ne saurait être confondu avec de la tristesse, le personnage principal va essayer de la traiter, même médicalement.
Camus disait que "juger que la vie vaut ou non la peine d'être vécue, c'est répondre au problème fondamental de la philosophie" et il répondait à cette question par une pirouette intellectuelle. Chez Levé, ni philosophie ni acrobatie. Pas de réponse non plus : l'illustration du choix mortel qui a été fait n'est que cela, une illustration d'un choix possible, sans prétention et sans justification. Dans le Mythe de Sisyphe, Camus nuançait par avance et très justement son propos : "Il y a beaucoup de causes à un suicide et d'une façon générale les plus apparentes n'ont pas été les plus efficaces. On se suicide rarement par réflexion."
Je crois que Suicide est un livre d'utilité publique : pour les premiers concernés, au contraire de leur insuffler des idées noires, il agira comme catharsis ; pour leur entourage, il fournira un parcours type, et un éclairage sur l'état d'esprit. Les autres lecteurs y trouveront simplement une des œuvres littéraires les plus uniques qui existent et entrent en résonance avec d'autres œuvres.