Donc, Sword Art Online déjà, c'est un roman de Reki Kawahara, un auteur de light novel. Kawahara avait écrit le premier tome en 2002, puis l'a publié sur Internet. C'est en 2008, après le succès de son autre light novel, Accel World, qu'il reprend son vieux projet et Sword Art Online paraît au Japon, et ça marche également plutôt bien. En 2012, une série animée sera même adaptée de son histoire et connaîtra un énorme succès, qui est à l'opposé du grand nombre de critiques peu élogieuses qu'il a reçu. En ce qui me concerne, l'anime était très sympa mais énormément décevant. Les critiques du livre étaient toutes très positives, et j'avais fini par me dire qu'au final, Sword Art Online c'était surtout l'adaptation feignante d'un roman bien plus vaste. Sauf que en fait non.
Donc, on parle ici de Kazuto Kirigaya, un adolescent geek passionné de jeux vidéos comme il y en a plein. Sauf que là on est en 2022 et l'Oculus Rift c'est pour les tapettes, donc on a carrément créé le Nerve Gear, un casque de réalité virtuelle. Et la société de développement Argus a enfin mis en vente le premier MMORPG de la machine, Sword Art Online, dont les 10000 premiers exemplaires ont été mis en vente. Kirito, lui, est un gros veinard puisqu'il est carrément un des 1000 bêta-testeurs du jeu, ce qui fait qu'il le connaît déjà plutôt bien. Il se connecte donc en même temps qu'environ 10000 autres personnes et commence à jouer, avant de se rendre compte que le bouton de déconnexion a disparu. Il croit d'abord à un bug, mais finalement, lui ainsi que les autres joueurs sont téléportés au même endroit par le créateur du jeu, Akihiko Kayaba. Ce dernier leur explique qu'en fait, il a enlevé le bouton de déconnexion, et que si on tente d'enlever le casque de force, ou alors qu'on meurt dans le jeu, ou alors qu'on est déconnecté trop longtemps, ce dernier va émettre des ondes qui vont détruire le cortex cérébral du joueur. Alors je connais pas les normes de sécurité au Japon, mais je pense que si on créait un casque qu'on pourrait programmer à distance pour te griller le cerveau si t'essaies de l'enlever, ça m'étonnerait qu'on le mette sur le marché.
Toujours est-il que le seul moyen pour les joueurs de se déconnecter par eux-mêmes est de finir le jeu, c'est à dire de monter au 100ème étage du château Aincrad qui en est le monde. Putain mais c'est génial ! On a une super intro, un univers cohérent avec un concept super et plutôt original ! Qu'est-ce qui pourrait foirer ? Allez page suivante. Mais… quoi ?!
Et là pour une raison que j'ai absolument pas compris, l'auteur décide de nous faire une ellipse de deux ans, et là on se retrouve avec un Kirito niveau 90, l'un des meilleurs joueurs du jeu, avec plein de potes dont on a aucune idée de comment il les a rencontré. C'est comme si l'auteur avait écrit un bouquin de 700 pages, qu'il en avait perdu 450 mais qu'il s'était dit « Ouais bon j'ai la flemme de tout réécrire, on va faire avec hein. » Et là on touche au problème majeur de ce roman, le vide gigantesque de l'histoire. Premièrement, il n'y a aucun background. Vous le savez certainement, tout univers médiéval-fantastique qui se respecte se doit d'avoir un peu de consistance. Même les MMORPG coréens qui mettent l'accent sur le gameplay possèdent un univers crédible, suffisant en tout cas pour qu'on se mette dans l'ambiance. Dans Sword Art Online… Y'a un château de 100 étages avec des monstres… et c'est tout. Rien de plus. Quand même, t'es le producteur du jeu, tu veux que ça puisse marcher sur plusieurs années, tu fais pas un univers sans aucune histoire alors que des concurrents vont arriver dans quelques années pour te mettre des bâtons dans les roues. Oui c'est révolutionnaire, mais ça le sera pendant un an ou deux, et après ça on aura l'habitude et les joueurs iront voir ailleurs.
Et si c'était que le background… mais y'a pas que ça. En fait avec un univers aussi vaste, même si il est pas développé plus que ça, y'avait des tonnes de choses à dire qui auraient pu être intéressantes. Y'a la guilde de Player Killer des Laughing Coffins par exemple, qui avait tout d'un antagoniste génial, et dont on a à peu près… cinq lignes dans le bouquin. Et c'est qu'un exemple parmi tant d'autres. On aurait pu avoir des informations sur la façon dont vivent les joueurs qui ne combattent pas, l'organisation de la fameuse Armée de joueurs gigantesque, les petites guildes moins importantes et les grosses guildes qui font avancer le jeu. L'histoire se concentre uniquement sur la relation entre Kirito, le pseudo de Kazuto, et Asuna, une combattante à la rapière membre de la meilleure guilde du jeu. Je vais rien spoil sur ces deux là mais je pense que tout le monde sait ce qu'il va se passer dès qu'on la voit pour la première fois.
Alors par contre, j'avoue que la fin est assez inattendue… Mais elle est aussi très brutale. Je suis presque déçu que ça se termine comme ça, même si c'est bien foutu, et tout. Mais ne vous inquiétez pas ! C'est pas fini ! Y'a une partie 2 après !
Ma théorie est qu'après la publication de Sword Art Online tome 1, Reki Kawahara a réalisé que quand même son univers avait un potentiel énorme, et s'est mis en tête de l'étoffer du mieux qu'il pouvait. Ainsi, le deuxième tome, qui en France a été couplé au premier, est un recueil de nouvelles contant les aventures de Kirito dans Aincrad avant sa rencontre avec Asuna. Et force est d'avouer que si elle ne comble pas tout le vide laissé par la première histoire, elle en comble déjà une maigre partie, et j'ai envie de dire que c'est mieux que rien. Pour ceux qui ont vu l'anime d'ailleurs, sachez que cette deuxième partie du roman correspond aux épisodes 3, 4, 5, 11 et 12 de l'anime, car ce dernier ne s'est pas contenté de respecter l'histoire à la lettre, mais en plus de ça, est allé récupérer des morceaux des volumes 2 et 8, ainsi qu'un morceau du spin-off Sword Art Online : Progressive, et les a mis dans l'ordre pour donner plus de consistance à cet univers.
Et franchement je ne peux que congratuler A1 Pictures d'avoir fait ça parce que ça le rend beaucoup moins vide et donc plus agréable à regarder, même si bon, je vous cache pas qu'ils auraient pu faire encore mieux.
Donc revenons à notre partie 2. Déjà c'est mieux écrit. Je l'ai pas dit, mais le style d'écriture de la partie 1 est assez pauvre. Après je dis ça mais en lisant SAO, je sortais de romans comme Les deux Tours, Hypérion et Kafka sur le Rivage, ouvrages qui font en moyenne 600 pages en petits caractères, donc le retour brutal aux lectures jeunesse m'a un peu chamboulé. Toujours est-il que cette partie 2, écrite si je ne me trompe pas, six ans plus tard, est meilleure et ça se laisse lire du coup, beaucoup plus facilement. On a des personnages secondaires auxquels ont s'intéresse rapidement, et on a des informations enfin sur la fameuse guilde des Chats Noirs de la Pleine Lune, la guilde qui, dans le roman, est citée à plusieurs reprises par Kirito, sans qu'on sache vraiment comment ils ont fini. Donc cette partie 2 est pour moi meilleure que la première. Elle est fondamentalement différente, la première était une histoire complète, la deuxième est un ensemble de petites histoires. Mais ces histoires, qui étoffent un univers à la base bien pauvre, ont davantage d'intérêt pour moi que la première, qui était quand même très vide de sens.
Donc, mon avis sur ce premier tome dans son ensemble : la première partie est moyenne, moyennement écrite, plutôt intéressante mais très imparfaite. La deuxième est correcte, mieux foutue, elle étoffe un univers qui était plus vide que Cinquante Nuances de Grey, c'est dire.
Donc, est-ce que je vous le conseille ? Tout dépend. Un gros lecteur risque d'être déçu et rebuté, donc je suis vraiment pas sûr de conseiller ça à un littéraire. Un lecteur occasionnel par contre, et un lecteur jeune surtout, appréciera très certainement, parce qu'il y trouvera un bon divertissement pour deux bonnes semaines. Mais aussi un fan de la série pourra apprécier de la revoir sous un format différent.
La note que je lui donnerai ? 8/20 pour la première partie, 12/20 pour la deuxième, et donc 10/20 pour l'ensemble.