Temps - Les Univers multiples, tome 1 par Enlak
Reid Malenfant est un scientifique et entrepreneur ambitieux qui projette de se lancer dans l’exploration spatiale. Engrangeant suffisamment de ressources pour s’opposer au conservatisme de la NASA, il présente son projet d’exploitation d’un astéroïde à des investisseurs.
Emma Stoney est son ex-femme, trompée par son ambitieux de mari. Pourtant malgré la rancune, reste de sentiments ou emportée elle-même par ses rêves de grandeur, elle n’est pas parvenue à le quitter et reste à ses côtés pour aider son ancien compagnon à régler les problèmes administratifs dont il refuse de se préoccuper.
C’est là qu’intervient un étrange personnage, convaincu que la fin du monde est proche et que le seul moyen pour l’éviter est d’être à l’affût d’un message envoyé par des gens du futur pour nous prévenir ! Une idée douteuse qui pourtant convainc Malenfant qui enlace aussitôt ce nouveau projet, au grand désespoir d’Emma.
Avec ces révélations, l’humanité est pour la première fois confrontée directement à sa disparition. Fait curieux, c’est lorsqu’elle sait son avenir menacé qu’elle prend conscience qu’elle en a un, elle qui autrefois gaspillait ressources et habitats sans se soucier des générations à venir. Les rancœurs ressurgissent, si les jours sont comptés, il importe de régler au plus tôt les comptes avec les ennemis héréditaires.
Mais voilà que des messages captés du futur apportent un fol espoir, l’espoir d’un avenir éternel où l’espèce humaine a conquis les étoiles.
Dans le même temps d’étranges enfants surdoués apparaissent, obnubilés par un cercle bleu, d’où leur appellation « Enfants Bleus ». Comprenant instinctivement des concepts qui échappent même aux scientifiques, ces êtres, à la fois génies incompris et enfants innocent, inquiètent, synonyme de profonds bouleversements d’un avenir où l’espèce humaine pourrait ne pas survivre. Maura Della, déléguée du gouvernement, est chargée de s’occuper de la question. Membre dévouée, elle s’efforce de faire taire sa conscience et son humanité autant que possible, sans jamais réussir complètement.
L’espèce humaine sera-t-elle profiter de ces nouvelles sources de connaissance où au contraire, effrayée par ce qu’elle ne connait pas, préférerait-elle détruire ce qui est source d’un potentiel danger ?
Alors que la question prend de plus en plus d’ampleur, où les responsabilités données à Maura augmentent alors que son trouble intérieur grandit, Reid et Emma partent pour l’astéroïde Cruithne, où les attendent un bouleversant voyage au-delà de l’imagination, au-delà des frontières de l’espace-temps tel que nous le concevons, un voyage pour découvrir le sens de l’humanité et de la vie dans cet univers, ou plutôt dans l’ensemble des univers.
Ingénieur et mathématicien passionné par les questions de l’espace, Stephen Baxter, consacré désormais à plein temps à l’écriture, remplit ses écrits de théories scientifiques rigoureuses pour supporter ses histoires. Parti de faits établis ou de théories existantes pour ensuite extrapoler, c’est une approche très similaire à « Interstellar », à la thématique très proche. S’inscrivant dans le genre hard science, il ne faut donc pas être rebuté par les termes scientifiques, et peut-être même qu’une connaissance de base est recommandée pour bien tout comprendre. Ainsi, on découvre certaines technologiques pour exploiter des astéroïdes en y extrayant les matériaux nécessaires, on en apprend plus sur les quarks, les neutrinos, la physique quantique et les théories de l’univers. Il en est ainsi une que je connaissais déjà et qui s’avère très surprenante : les physiciens se sont aperçus que si les constantes fondamentales étaient différentes, la vie n’aurait jamais vu le jour. Encore plus surprenant, il en va de même pour la formation des trous noirs. Les univers capable d’enfanter la vie sont donc aussi ceux qui sont capable de créer des trous noirs, ces monstres cosmiques qui renfermeraient d’autres univers aux propriétés similaires, capable donc à leur tour d’héberger la vie. De quoi laisser songeur… Dans son livre Stephen Baxter lie donc le sens de la vie et l’univers, de manière audacieuse mais qui ne manque pas d’être dérangeante.
Depuis le temps (c’est le cas de le dire) que je voulais m’attaquer à cet auteur, c’est désormais chose faite, même si j’attendrais un peu avant de lire la suite…
Si le style est brut, l’histoire et les images décrites ne manquent pourtant pas de poésie. Ainsi ces êtres humains qui marchent sur un astéroïde, environnement si étranger à nos sens, où les perspectives ne cessent de changer, l’horizon devenant une montagne à franchir avant de recouvrir le ciel, les étoiles et le soleil passant rapidement dans le ciel sans pourtant ressentir de mouvement. Ces improbables fenêtres sur de lointains avenirs qui dépassent nos rêves les plus fous, où l’humanité, ou ce qu’elle est devenue, exploite l’énergie des étoiles même. Et que dire de ce périple dans une succession sans fin d’univers, des univers éphémères qui s’effondrent à peine nait, en passant par quelques structures stellaires primitives bien loin de nos gigantesques galaxies organisées, une infinité d’univers insoupçonnée que l’on n’aurait jamais pensé voir de nos yeux. Reid et Emma, deux anciens amants, au milieu de ce spectacle magnifique et bouleversant, et pourtant opprimés par la solitude et le silence absolu du vide.
Il est parfois difficile de croire que les idées développées proviennent de faits scientifiques. Il est quand même questions d’un calmar amélioré qui pilote un vaisseau spatial ! C’est sans doute là les limites du concept, où l’imagination prend le pas sur la crédibilité scientifique. Autre exemple, concernant la théorie de Carter, qui stipule que l’humanité ne peut pas s’accroître exponentiellement, si elle est bien le résultat d’une équation statistique, elle semble plus être le fait d’une limite aux équations bayésiennes et il existe d’ailleurs des solutions pour la réfuter.
Les personnages sont assez lisses et on en a vite fait le tour. Concernant le récit, il y a plusieurs longueurs, notamment concernant la partie des enfants bleus, que j’ai trouvé la plus faible et la moins intéressante, et qui trop souvent coupait l’intrigue avec Reid et Emma perdus dans l’espace, beaucoup plus passionnante.
Si l’histoire se passe normalement en 2012, l’auteur qui l’a écrit en 2005 a certes conçu ce futur comme proche du nôtre, mais avec néanmoins des inventions qui n’ont pas encore été développées : implants d’identification, psychologues virtuelles, écrans d’ordinateur dépliables…
Malgré quelques défauts narratifs, et une démarche à la limite de la crédibilité scientifique, « temps » est un livre étonnant, aux enjeux cosmiques, qui n’a pas peur de nous surprendre et d’aller au-delà de notre conception du monde. Seriez-vous prêt pour ce voyage ?