Plus que la narration dynamique et l’imagination débridée d’Alfred Bester, c’est l’aspect comic-book de ce classique de la SF (publié en 1956-57) qui m’a pris par surprise. Un peu comme les aventures de John Carter, le roman accuse son âge avec élégance: il prend du cachet, son futur influencé par les années 50 est souvent anachronique pour nous autres lecteurs contemporains, mais c’est davantage charmant, ou pittoresque, que vieillot. Mais si cela vous semble bien paisible, c’est loin d'être le cas! Bester enchaîne l’action et les chapitres avec la même détermination que Gully Foyle, tête d’affiche, astronaute/camionneur/mécano entêté qui veut sa revanche. Cette détermination forcenée transforme notre protagoniste au-delà de l’humain et en dessous de la bête. Il devient un Hulk, un super héro, ou un super vilain, ou les deux, et le lecteur est simplement emporté par la tornade narrative de ses tribulations dans l’espace, sur Terre et ailleurs.
Le style simple et clair soutient l’ambition de l’auteur, qui arrive à dépeindre un univers fantaisiste mais crédible par sa richesse, entrevue dans les rares moments de calme. On prend quelques instants pour faire la connaissance d’une famille aristocratique, ou d’une prof de téléportation, de prisonniers, de gens du cirque… Tous ces petits moments contribuent à ancrer l’histoire dans une réalité cohérente, en dépit de ses excès dignes des Gardiens de la Galaxie. Et en ouvrant ce livre, j’étais bien loin d’imaginer finir avec une telle comparaison.