Sartre reprochait à Mauriac de se prendre dans ses écrits pour Dieu (rien que ça !). Et effectivement ce qui interpelle à la lecture c'est le changement assez fréquent de focalisation du narrateur, cela pourrait en faire quelque chose d'assez difficile à aborder mais cela représente de manière assez exacte le flot de questionnements, de justifications que Thérèse peut évoquer, ne serait-ce alors non pas pour être disculpée mais seulement comprise. Car oui, cette femme représente à faible échelle tout ce qu'il existe comme conflits entre l'individualisme de chacun (et non l'égocentrisme) et l'énorme masse que compose une société qui se refuse à accepter chaque nature humaine.

Symbole de l'émancipation féminine elle l'est, évidemment, mais elle apparait bien plus en véritable philosophe sur la condition humaine. Le narrateur en peint un portrait élogieux en ce qui concerne son intelligence. J'ai relevé ce passage : « Que tu es drôle, Bernard, avec ta peur de la mort ! N'éprouves-tu jamais, comme moi, le sentiment profond de ton inutilité ? Non ? Ne penses-tu pas que la vie des gens de notre espèce ressemble déjà terriblement à la mort ?». Thérèse comprend de manière limpide à la fois le monde dans lequel elle est, et ce qu'elle peut en attendre. Ainsi, elle cerne maintes désillusions reposant à la fois sur le personnage que joue son père et l'incompréhension éternelle de son mari. Une force puissante la guide, elle connait depuis son existence les doutes qui l'habitent et sa condition finale. Alors oui une seule issue lumineuse lui apparait, celle de la mort. La mort, au départ pour son mari, puis la mort pour elle.

Pourtant ce personnage ne laisse pas en son nom de la tristesse ni quelconque sentiment de mépris chez le lecteur, au contraire notre admiration intime tend à balancer en sa direction ; comme on la comprend, comme nous à sa place, rien ni personne ne pourrait nous empêcher d'arriver à notre but ultime. Thérèse n'est pas sombre, elle nous éclaire.

On retrouve souvent cette citation pour la définir « mais on ne se demande pas si elle est jolie ou laide, on subit son charme », et oui elle charme la nature, elle en devient la Dame attachée à la fois à sa terre, on la sent guider immuablement vers ce retour à la forêt, à ses ténèbres comme elle aime à le dire.

Alors oui, la fin la voit se diriger à Paris, mais sa nature n'est pas lointaine, celle qu'elle trouve est la masse grouillante de monde où enfin elle n'est plus la révoltée mais devient une anonyme et c'est à moment que le salut vient, ce n'est pas la mort mais la disparition d'un nom qui clôt enfin l'histoire d'une femme ô combien fascinante. Ce livre apparait comme une clef de voûte afin de réunir tant de questions que chaque être est en droit d'invoquer sur sa condition qu'il veut ou non à jamais sceller.
TueReves
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le 9 mars 2012

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TueReves

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