Tout l'art de l'écrivain ne réside-t-il pas dans son talent à nous rendre attachant un personnage détestable ? C'est ce que je suis portée à croire après ma lecture de "Tours et détours de la vilaine fille" de Mario Vargas Llosa. Car "la vilaine fille" dont le titre fait mention est bien la femme la plus détestable qui se puisse trouver.
Pourtant, c'est un amour sans limites ni frontières que lui voue Ricardo, le héros du roman. Depuis leurs dix ans, il s'évertue à en être éperdument amoureux malgré les épreuves, les mystères, les tromperies et les séparations. Jouet quelque peu naïf de cette femme fatale à la vénalité assumée, Ricardo pourra sembler faible et émasculé aux lecteurs blasés mais un monstre de romantisme aux autres. Car ce que nous décrit l'auteur sur près de cinq cent pages, c'est bien une histoire d'amour terrible et épique, érotique et romanesque, aux mille et uns "tours et détours", ou devrais-je dire "retours" au nid de la dulcinée volage.
Mario Vargas Llosa narre dans ce roman mature les amours difficiles, douloureuses et cependant belles de ces deux êtres qui pendant plus de quarante ans vont se poursuivre voire se pourchasser. C'est un roman qui joue avec nos nerfs et les paradoxes : tour à tour âpre, cruel, licencieux, il se mue en quelques pages en somme de tendresse, en fidélité et en courage.
L'exercice de style vaut lui aussi le détour, l'auteur nous emporte à travers le monde entier, de Lima à Tokyo en passant par Paris, Londres, Madrid et Lagos. L'écriture est superbe et si le rythme se fait parfois un peu bancal, la fascination narrative en triomphe sans mal.