Lydia, 16 ans, s'est noyée, Lydia est morte, nous lecteurs le savons dès les premiers mots, mais pas sa famille, pas encore. Meurtre, accident, suicide ? Qu'est-il arrivé ? Très rapidement on comprend que ce n'est pas cette histoire-là que raconte le livre, mais celle d'une famille où les secrets se sont empilés et les espoirs étouffés.


Le père, James Lee, professeur d'université d'origine chinoise ayant toujours souffert de cette différence (nous sommes dans les années 70) rêve pour ses enfants d'une intégration réussie. La mère, Marilyn, a abandonné ses ambitions pour devenir mère au foyer et a fini par reporter sur sa fille aînée tous ses rêves d'émancipation. Son frère et sa soeur souffrent de la solitude la plus écrasante. Ils s'aiment tous, mais mal, et se taisent, écrasés par toutes ces choses qu'ils n'ont jamais osé se dire.


Lydia est la préférée, celle vers laquelle convergent tous les sentiments, le centre de l'univers familial concentrant toutes les espérances, telle une lourde masse sur ses épaules. Silencieuse, secrète, soumise, et surtout seule, tellement seule, Lydia. Nath, son frère si torturé, cherche à fuir à tout prix, et Hannah, sa petite soeur en quête éperdue d'affection, est invisible aux yeux de tous. La vie de leurs parents ressemble à un catalogue d'opportunités manquées avec la frustration pour seul moteur. Tandis qu'à l'extérieur la famille subit le racisme ordinaire au quotidien, en leur sein chacun fait preuve d'une cruauté involontaire à force de vouloir camoufler ses secrets et sa douleur. Tandis que le silence et la tristesse s'abattent, le deuil offrira peut-être à chacun l'occasion de se révéler, d'oser, et de trouver enfin cette place qui leur manque tant.


C'est un roman noir qui réussit le bel exploit de passionner avec un suspense uniquement psychologique, d'une justesse et d'une finesse folles, une réflexion sans concession mais très juste sur l'ambition qu'on a pour nos enfants et leur crainte de nous décevoir, leur faculté à se rebeller aussi. De quoi donner envie de prêter davantage attention à ses proches, mais une réelle attention, pas celle qui reste à la surface des choses. Une grande réussite pour un premier roman d'une incroyable maîtrise !


http://anyuka.canalblog.com/archives/2016/03/05/33468040.html

sophiebazar
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 5 mars 2016

Critique lue 275 fois

1 j'aime

sophiebazar

Écrit par

Critique lue 275 fois

1

D'autres avis sur Tout ce qu'on ne s'est jamais dit

Tout ce qu'on ne s'est jamais dit
lasoph
8

Critique de Tout ce qu'on ne s'est jamais dit par lasoph

« Tout ce qu’on ne s’est jamais dit » ou chronique de l’autopsie d’une famille. Lorsque Lydia, l’une des filles de la famille Lee disparaît, l’équilibre familial déjà fragile, est rompu. Sur elle...

le 14 mai 2016

4 j'aime

Tout ce qu'on ne s'est jamais dit
Nelfe-et-MrK
10

Critique de Tout ce qu'on ne s'est jamais dit par Nelfe-et-MrK

Gros coup de cœur pour ce premier roman de Celeste Ng ! "Tout ce qu'on ne s'est jamais dit" annonce la naissance d'une grande auteure. On entre dans la vie de la famille Lee, asiatique par le père,...

le 9 mars 2016

4 j'aime

Tout ce qu'on ne s'est jamais dit
Shimamoto-Cha
8

Critique de Tout ce qu'on ne s'est jamais dit par Shimamoto-Cha

Un matin, lors du petit déjeuner, Lydia jeune fille de 16ans, manque à l'appel. Très vite alarmés, ses parents entament des recherches, et quelques heures plus tard, son corps est retrouvé au fond du...

le 21 août 2016

3 j'aime

Du même critique

The Girls
sophiebazar
10

A l'ombre des jeunes filles en pleurs

Californie, fin des années 60. Evie à 14 ans est une adolescente avide de liberté, cette liberté incarnée par ce groupe de filles qu’elle croise en ville -ce qu’elle considérera avec recul comme une...

le 22 août 2016

6 j'aime

Nous trois ou rien
sophiebazar
9

Un beau film bienveillant

Après avoir lutté pour la révolution sous le Shah, puis sous Khomeiny, Hibat et Fereshteh doivent fuir leur Iran natal. Arrivés dans la banlieue parisienne, c'est un autre combat, social cette fois,...

le 3 nov. 2015

6 j'aime

L'Arbre du pays Toraja
sophiebazar
10

Fort et remarquable

Chez les Toraja en Indonésie, la mort occupe une place centrale dans l'existence et les rites funéraires sont fondamentaux. Ainsi, entre les racines de l'arbre du Toraja, on dépose le corps des bébés...

le 3 févr. 2016

4 j'aime