Erica vit seule dans sa maison de Brooklyn avec son père malade et acariâtre. Son mari et sa mère sont décédés. Sa sœur ne l’aide pas et son fils Jimmy ne donne plus de nouvelle. Mais un jour, Jimmy revient avec ses démons et ses angoisses. Homosexuel, rejeté par son père, il traîne avec lui son mal-être et tente de le dissoudre dans l’alcool. Il est fuyant avec sa mère et mal à l’aise dans ce quartier peuplé de ses souvenirs d’enfance. Erica veut essayer de renouer avec son fils malgré tout.
C’est un roman très court et intimiste qui parle de la difficulté à communiquer dans une famille et du mal-être. L’auteur nous dépeint le lien ténu et compliqué entre les personnages. C’est une famille ordinaire que le vie n’a pas épargnée et qui n’arrive pas à se parler. Leur silence les isole. Ils sont touchants par leur fragilité mais aussi par leur endurance. Ils résistent aux épreuves et à la solitude. Je regrette que le roman soit si court car j’aurai aimé les voir évoluer encore. Au moment où j’avais la sensation de les comprendre le roman s’achevait.
Il était impossible d’aimer véritablement une personne sans l’accepter telle qu’elle était.
Le livre met en lumière un sujet que j’ai peu trouvé dans les romans, celui de la dépendance des personnes âgés. Erica décide de s’occuper de son père à domicile faute d’argent pour une aide soignante et parce qu’elle ne supporte pas de le voir souffrir seul à l’hôpital. Malgré le caractère compliqué du vieil homme et la charge de travail qu’il représente, elle le garde à domicile. Erica est une héroïne ordinaire. Elle est convaincue que ce qu’elle fait est juste donc elle résiste et endure.
La question de l’homophobie est aussi inhérente au récit. Jimmy à subi le rejet de son père durant toute son adolescence. Il n’est pas le fils qu’il aurait aimé avoir et il le lui a fait comprendre. Entre eux deux, Erica fut prise dans un conflit de loyauté et n’a pas su défendre son fils ou résonner son mari. Elle a fermé les yeux sur l’homophobie de celui-ci. Alors le jeune homme s’est renfermé sur lui même et noie ses démons et ses souffrances dans l’alcool. Il sait la violence et le rejet qu’il suscite alors il se tait ou fuit.
Dehors, le monde parut à Jimmy beaucoup plus éclatant qu’il n’aurait dû l’être, les arbres plus verts, le ciel plus bleu. Ça l’avait toujours étonné. À jeun, il passait son temps à se plaindre de la laideur généralisée. Ivre ou avec la gueule de bois, le monde lui semblait d’une beauté parfaite et il n’y voyait qu’un défaut, lui-même.
C’est un roman profondément mélancolique mais dans lequel apparaissent quelques lueurs. Erica peut compter sur Ludmilla, une amie sincère et aimante. Et il y a Franck, un poète croisé au hasard d’une soirée dont l’empathie et le sensibilité permettent à la mère et au fils de se comprendre à nouveau. Dans les moments de désespérance les personnages ont encore des gens pour les éclairer, les soutenir. Ce qui rend le roman touchant c’est aussi l’infini réalisme des personnages. Leur vie est tellement ordinaire qu’elle nous parait familière. C’est un instantané sur un moment de la vie d’une mère et de son fils, un moment où se retrouver semble possible. L’histoire est portée par une écriture délicate et pudique.
Aucun rêve, une fois réalisé, ne ressemblait jamais à ce qu’il était à l’état de rêve.