La même année où André Breton écrivait "Nadja", qui devait rester l'un des joyaux du surréalisme et de la littérature française, Louis Aragon publiait un pamphlet au titre enflé, fait pour attirer dans ces filets le lecteur bourgeois friand de "traités" ou de réflexions à la Paul Valéry, pour ensuite avoir le plaisir de l'insulter pendant 200 pages. L'intention est louable, le procédé est sympathique. Mais Aragon reste dans ce livre bien trop bas des pâquerettes : si le passage sur les journalistes est plutôt réjouissant, les pages sur l'humour finissent en queue de poisson, celles sur la vie sont à peine esquissées ; on accumule les mêmes expressions, les mêmes réflexions. Comme si, finalement, c'était Aragon qui en était resté à Dada (bien qu'il s'en défende dans ce texte), ou aux débuts du surréalisme "énervé", alors qu'André Breton, Antonin Artaud ou Paul Eluard étaient déjà en train d'écrire leurs chefs-d’œuvre. La maturation d'Aragon aura donc pris plus de temps (avec les tournants de 1933 puis de 1940) ; pour entrer dans son oeuvre, je conseille plutôt d'aller directement voir sa poésie, ou alors les Préfaces des années 40 ("Le Crève-coeur", "Les Yeux d'Elsa" ...).
(J'ai écrit l'original de cette critique ici : http://wildcritics.com/?q=critiques/trait%C3%A9-du-style-louis-aragon)