« Pourquoi est-ce que j'écris ce livre ? Parce que je peux » lance Neige Sinno.
En effet, elle témoigne du « crime systémique commis dans le secret », des viols réguliers qu’elle a subis, de 7 à 14 ans, dans ce huis-clos de famille.
L’autrice nous emmène dans la « tête du bourreau », son beau-père, dans son univers et son « échafaudage mental ». On entre dans un système de domination, où l’autre n’existe pas, où le langage est pouvoir et en réponse, le non de l’enfant impensable.
Autour, il y a le déni et sa force : « [Les mères] savent mais ne savent pas, elle ne savent pas mais elles savent ». Un déni qui porte parfois sur les faits, mais souvent sur la gravité des faits. Un déni qui s’appuie souvent sur la croyance « si on n’en parle pas, ça n'existe pas ».
« Penser l'impensable. Raconter l’irracontable. Se confronter aux frontières de l'humain ». Alors oui, ce livre est dur mais Neige Sinno se tient là, à côté de nous. Elle nous interpelle, nous interroge, vérifie qu’on est toujours là, bien debout. Elle nous tient la main, nous permet des moments de respiration, ne nous lâche pas.
L’autrice a choisi de quitter « le terrain protégé de la fiction ». Elle nous offre un livre sur ses questionnements, ses réflexions : son témoignage. Elle approche « une vérité difficile à déterminer, difficile à formuler, une vérité d'au-delà des apparences », tente de comprendre comment et pourquoi cela a été rendu possible et s’emploie à ce que la parole circule enfin.
« Mais il s'agit aussi de faire en sorte (…) que le tigre, l'autre tigre, sorte enfin de sa cage. Est-ce que ce n'est pas, aussi, le but de la littérature que ça sorte enfin d'ici ? »