Voilà un bouquin qui démarre sur les chapeaux de roue. Une jeune fille passe un entretien d'embauche bien serré pour travailler dans une parfumerie et en fin de compte devenir "masseuse" pour des clients de plus en plus désinhibés. Parallèlement à ce succès professionnel, son corps se transforme, devenant de plus en plus "appétissant", jusqu'à devenir celui-ci d'une truie. Cette métamorphose lui vaudra célébrité et déboires.
Marie Darrieussecq n'y va pas avec le dos de la cuillère et le ton du livre est à la fois acerbe, déluré et cru, très cru. Le texte est volontiers provocateur, ne recule devant rien et la corporalité du sujet (le corps, le sexe, ses avatars et variantes) est abordé sans détour. Devenir une truie n'est pas une sinécure, et on se dit que cela ne devrait pas être si plaisant non plus, mais Marie Darrieussecq joue avec les affects et présente ce curieux drame comme une expérience de vie comme une autre, avec ses mérites et ses soucis. Et on reste ébahi devant la résignation / le pragmatisme de cette femme en plein... devenir. Etonnant.
Ensuite, passée la surprise et le plaisir de la première partie du livre, j'ai personnellement commencé à douter du sujet en milieu de livre, lorsqu'il se détourne un peu de l'héroïne pour proposer une dystopie fascisante, à base de SPA traqueuse de cochon et de prise de pouvoir du Front National (Brigitte Bardot a eu les oreilles qui ont sifflé sûrement en 1996...). La satire de base de la célébrité de la femme-cochon, produit de consommation courante, n'était pas mauvaise et fonctionnait bien, mais avec la satire politique, la mécanique du livre s'enraye un peu et la lecture devient un poil fastidieuse. C'est dommage de voir l'intrigue se perdre ainsi car quand l'auteure élargit son sujet à l'homme (en le transformant, lui, en loup-garou), l'oeuvre retrouve je crois les bons rails et le mordant (ah ah) de son propos. L'idée de la truie qui vit avec un carnivore dangereux était bien sentie, comme l'idée du corps masculin lié à un cycle lunaire à l'instar du corps féminin et son cycle périodique. Marie Darrieussecq aurait été plus inspirée de rester dans cette veine.La conclusion du livre m'a bien plu, avec une parodie de psychanalyse et un règlement de compte impressionnant.
Une belle originalité, un réel courage dans l'écriture mais aussi une intrigue qui peine à se circonscrire à son thème d'origine et s'épuise un peu, voilà des raisons de lire ce livre mais aussi d'être un peu critique. Je le recommande car la lecture est rapide et il serait dommage de ne pas avoir cette étonnante première oeuvre dans sa bibliothèque. J'irai décidément voir ce que Marie Darrieussecq a produit par la suite. :-)