Le narrateur, Bird, vient de devenir père d'un enfant souffrant d'une grave malformation à la tête. Il est alors déchiré par des pensées contradictoires et se pose la question de se débarrasser de l’enfant. Il est contraint de se plonger dans les tréfonds les plus sombres de son âme.
On entre dans les méandres de l'esprit de Bird avec violence. Dès les premières pages, son indifférence face à cet enfant à naître est glaçant. Mais cette nonchalance et ce désintérêt de sa futur paternité s'expliquent et se justifient au fil du roman. Quand il apprend la malformation de son enfant, dans l'indifférence et le cynisme des médecins, il refuse de devenir père. Cependant il n'assume pas son choix de laisser mourir cet enfant et il s’interroge sur sa lâcheté. Pendant trois jours on le suit en proie à ses tourments.
C'est un homme qui fuit et cette naissance lui rappelle les autres moments de sa vie où il a fuit. Il va devoir faire face à ceux qu'il a malmenés. Il y a Himiko, une jeune femme paumée qu'il a presque violé il a quelques années et vers qui il déverse ses interrogations. Il y a aussi cet ami qu'il a rejeté en découvrant son homosexualité. Et puis il y a sa femme qu'il délaisse et qu'il n'arrive pas à inclure dans ses projets d'avenir. Comme un écho à ses fuites inconscientes, il croise la route de M Delchev, un notable russe, qui lui choisit de fuir son pays et ses responsabilités pour une japonaise dont il est amoureux. C'est un choix, non un évitement.
C'est un roman qui nous parle de la difficulté à assumer ses responsabilités et des choix qui conditionnent nos vies. Certains d'entre eux poussent à renoncer à nos rêves. Himiko porte ses idées en évoquant la théorie de la "pluralité des univers". A chaque carrefour de nos vie un univers se créé dans lequel nous aurions pris l'autre voix. Comme une réponse à la question : qu'est-ce que l'alternative à ce choix nous aurait offert ? Il n'est ici jamais question de destin, les héros ont complètement prise sur leur vie. Mais ce pouvoir demande d'en assumer le poids et les conséquences. Ainsi Bird se rend compte qu'il lui faut choisir ce qui sera pour lui le plus juste. Il doit composer avec sa morale personnelle, loin des pressions sociales et autres injonctions.
Les états d’âme du héros sont appuyés par un style tourmenté et parfois brute. J'ai pu lire que pour ce roman il avait demandé à ce que la version anglaise serve de base pour les autres traductions plutôt que la version en japonais. Cela lui vaut d'être perçu, au Japon, comme un auteur occidentalisé. Quoi qu'il en soit, mis à part les noms japonais, c'est un roman qui peut résonner dans toutes les cultures. Il renvoie à des questionnements universels.
Ce court roman possède une très grande puissance. Il met en scène les sentiments et les émotions avec une très grande violence. C'est une expérience intense et fascinante. Un auteur à découvrir !