Le portrait riche de deux personnages liés par le même manque de reconnaissance. Le premier, un professeur qui sent sa mort proche, est reconnu par ses pairs, sa famille lui donne de "l'excellence", apparaît même parfois dans les entrefilets des journaux locaux mais il voudrait que l'on voit et apprécie en lui l'homme ordinaire, simple. Sa fille adoptive, Katia, souffre d'un statut d'orpheline lourd à porter, d'un amour pour le théâtre contrecarré par un manque total de talent qu'elle est la première à reconnaître et n'arrive pas à trouver un sens à sa vie, la tranquillité de l'esprit.
Tchekhov dépeint tout ça non pas avec flamboyance et éclat, mais au contraire avec discrétion, mélancolie, avec une langueur morbide qui ne se satisfaisant pas du professeur et de Katia gagne le lecteur à son tour. Et c'est lent, mais merveilleusement écrit, j'aime beaucoup la plume de Tchekhov, j'aime quand à travers ses personnages il donne son avis sur le théâtre moderne, sur la littérature de son époque que modestement il trouve parfois belle mais sans talent, quand il regrette avec un humour certain que le philosophe nous dise "Connais-toi toi-même" mais sans nous livrer le "mode d'emploi"... Il y a des fulgurances qui courent sur plusieurs lignes, plusieurs pages mais si cruelle j'étais, je dirais que le livre ne porte que trop bien son nom. C'est voulu bien sur, mais la banalité de l'histoire de cet homme en manque de reconnaissance qui ne fait rien pour se sortir de sa condition, la répétition dans tous les actes de sa vie quotidienne, la monotonie de son existence...
Volontairement, Tchekhov nous immerge dans l'état d'esprit de son personnage... Mais je ne peux m'empêcher alors de tomber à mon tour dans un pale ennui, atténué de ci de là par l'écriture de l'auteur mais regrettant l'emphase de "La Steppe" ou le rythme de ses pièces de théâtre.