Dans une petite rue infâme de Paris, une vieille femme et sa magnifique fille travaillent toute la journée, la nuit parfois, comme dans La Vendetta, remember ? La vieille regarde les allers-retours des gens au dehors et tente gentiment de refourguer sa fille (son capital retraite, vois-tu) Pas chère, pas chère, vas-y, c'est d'la super qualité !

Quand soudain passe un monsieur en noir, un peu triste, qui retient le regard de la jeune Caroline. Et c'est réciproque.

Tout ce qui est charmant est innocent et fait pour l'amour. Le monsieur en noir fait donc la cour à la jeune fille.

... ce doux abandon qui entraîne toujours les femmes plus loin qu’elles ne veulent aller, de même que la pruderie leur donne souvent plus de cruauté qu’elles n’en ont.

Quelques années plus tard.

Caroline est installé dans un merveilleux appartement frais et neuf rue Taitbout. Rue Taitbout ! Te rends-tu compte ? Peut-être pas, et je ne peux en dire plus, voilà.



Elle a maintenant un gentil petit garçon, et le papa en noir ne passe pas tous les jours, mais est tellement plus gai qu'avant, tellement toujours amoureux, leur vie est donc parfaite.

Parfaite ? Ben ce serait parfait si le monsieur, le Comte de Granville, n'avait pas déjà des enfants, et n'était pas déjà marié à une bigote Angélique (si c'est pas ironique !) qui lui rend la vie insupportable.

Ah ça, Balzac ne porte pas les bigotes dans son cœur, je note en particulier car c'est si vrai :

La dévotion porte à je ne sais quelle humilité fatigante qui n’exclut pas l’orgueil.

Quelle horreur cette bigamie ! Oui ? Non ? N'est-elle pas justifiée dans certains cas ? La question mérite en tout cas d'être posée, c'est intéressant de voir comme chaque question balzacienne peut trouver son actualité de nos jours. Moi j'aurais dit divorce, mais chez ces gens-là, on ne divorce pas non, on ne divorce pas. Ok, on en avait déjà parlé, je sais, je n'ai donc pas besoin de vous rappeler la loi Bonald qui a interdit le divorce en 1816. Coincé, en fait il est coincé !

Pour la fin, ben, la Comtesse de Granville découvre le pot aux roses, elle est humiliée, il se montre dans son bon droit, et on reparlera d'eux dans d'autres livres, j'en mettrais ma main à couper.

Et Caroline alors ? On retrouve le comte quelques années plus tard, à la romantique, assis sous une fenêtre. Quand il découvre que la femme qui travaille jour et nuit là haut est Caroline. Qui l'a abandonné pour un soûlard qui l'a ruinée, c'est bien fait !

Oh, Comte, vous êtes bien peu charitable.

Bon, il finit par aider son fils légitime quand même. Ya pas que le cul dans la vie, ya le sang aussi.
Phae
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Honoré de Balzac - La Comédie Humaine - Etudes de moeurs - Scènes de la vie privée

Créée

le 4 juin 2013

Critique lue 436 fois

2 j'aime

Phae

Écrit par

Critique lue 436 fois

2

D'autres avis sur Une double famille

Une double famille
BibliOrnitho
9

Critique de Une double famille par BibliOrnitho

Dans une rue sombre du cœur de Paris, vivent une mère et sa fille. Un logement insalubre et une existence misérable. Au-dehors, le ballet des passants et son lot d’habitués, le matin dans un sens, le...

le 27 juin 2013

2 j'aime

Une double famille
Phae
8

Critique de Une double famille par Phae

Dans une petite rue infâme de Paris, une vieille femme et sa magnifique fille travaillent toute la journée, la nuit parfois, comme dans La Vendetta, remember ? La vieille regarde les allers-retours...

Par

le 4 juin 2013

2 j'aime

Une double famille
Alcofribas
8

Double famille, double part

Bien sûr, en apparence, Une double famille ne montre pas le meilleur de Balzac : pour commencer quelques tableaux à la Greuze, façon Mère et Fille pauvres au coin du feu, puis un incognito si cousu...

le 29 févr. 2020

1 j'aime

Du même critique

Bigmouth Strikes Again
Phae
10

Sweetness I was only joking when I said I'd like to smash every tooth in your head

Parmi toutes les chansons susceptibles de… Ah, je vous l’ai déjà faite ? Bon ok, je recommence. C’est comme d’habitude incidemment que cette chanson était parvenue à mes oreilles. Longtemps après sa...

Par

le 18 déc. 2013

8 j'aime

Wicked Game
Phae
10

No one can save me but you

C'était un lundi. Il était 14h17. Je me souviens parce que je ne sais pas exactement quelle heure il était à ce moment-là, j'ai pas regardé en fait, du coup, je dis ça c'est une fourchette. J'avais...

Par

le 4 juin 2013

8 j'aime

Paris au XXe siècle
Phae
8

Critique de Paris au XXe siècle par Phae

J’ai lu ce livre il y a quelques temps déjà. Déniché dans la pile poussiéreuse des Jules Verne parentaux, et approprié, je n’ai appris que récemment que son acheteur ne l’avait même pas lu. Ce que...

Par

le 13 févr. 2013

6 j'aime

1