Une culture omniprésente, Mr Finkielkraut
Que dire de cette fantastique et profonde aventure au coeur des étoiles ? Enormément. Beaucoup trop, d'ailleurs. Premièrement, ne pourrait-on pas voir une analogie de La Culture avec la société d'aujourd'hui ? Une tolérance exacerbée, un pacifisme à n'importe quel prix, la liberté pour tous qui finalement, finit par nous enfermer plus que nous libérer. Comme le suggère de manière judicieuse le Préface de l'édition de poche : « Il n'est pas indifférent que le principal personnage [...] soit Horza, un métamorphe qui peut donc changer à peu près à volonté de forme. Vivre, c'est changer. Pour Horza, la mort, c'est d'abord la fin du changement »1. Il est effectivement symptomatique que le fer de lance de la Culture soit le conformisme total prôné par tous ses hérauts, qu'ils soient mentaux ou agents. C'est donc une forme de guerre en soit que la Culture impose à l'ensemble des galaxies qu'elle conquiert, une confrontation entre Elle et les autres, tous les autres, pour enfin aboutir à l'anéantissement total des particularismes locaux, individuels, d'autrui en somme. Voilà pourquoi les Idirans, si fiers de leur fief natal, Idir, sont les ultimes individus à s'opposer véritablement à la Culture.
Cette aventure épique au creux des étoiles nous fait connaître l'ultime voyage d'Horza à travers de nombreux événements tous plus épiques les uns que les autres. On a parfois l'impression de lire plusieurs livres les uns après les autres. La densité et la profondeur du récit étincellent de par leur grandeur et rares sont les ouvrages de Space Opéra où le lecteur à l'occasion de se plonger dans une aventure aussi prenante que mouvementée. Néanmoins, la qualité de l'écriture est parfois un peu bâclée au profit des événements en cascade qui surprennent le lecteur plus qu'il ne lui permet de s'émerveiller de tournures de phrases. Bien entendu, l'oeuvre est traduite de l'anglais au français et il est des périphrases complexes qu'il est impossible de traduire dans notre idiome particulier mais les messages que Banks laissent sous-entendre dans son récit pourraient de temps à autre être étayés plus en profondeur, à mon humble avis bien sûr.
Une oeuvre colossale, en somme, qui tient dans trois livres. La Culture, sa description, sa critique, sa montée en puissance. Tellement développée qu'elle apparait presque attrayante pour le lecteur qui s'y croit parfois. La globalisation ? La comparaison, quoique peut-être saugrenue, reste tentante... Il est certain que l'approche qu'a Banks du concept minorité et de la lutte pour le respect de sa propre culture frappe fort à notre époque où le conformisme universel semble être la clé de voûte de la structure socio-culturelle des sociétés modernes... Le « choc des civilisations » de la science-fiction ?