Chagrin d'absence
Que lire après avoir terminé l'ébouriffant 4321 de Paul Auster ? Changer de style, d'univers, de rythme, d'écriture et d'ambition. Avec Une longue impatience de Gaëlle Josse, une auteure discrète...
le 7 févr. 2018
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En refermant ce livre, une lectrice que j’apprécie beaucoup a écrit « ne me secouez pas, je suis pleine de larmes… » Je reprends volontiers à mon compte, cette belle image. Qui n’a pas dans son entourage immédiat un(des) être(s) particulièrement cher(s) et fragile(s) pour qui, chaque jour on craint le pire ? On voit là, souffrir et peu à peu sombrer dans la folie, une mère, dont le fils est parti et dont elle attend un retour improbable. Une mère dont le fils a fui un foyer qui n’est plus le sien. Dont le fils a pris la mer pour s’éloigner à jamais d’une famille où il n’a plus sa place.
Quand l’émotion étreint, il est difficile de rendre compte d’une lecture. J’ai sans doute trop attendu pour écrire ces lignes que j’aurais dû rédiger à chaud.
Gaëlle Josse décrit avec justesse, poésie et sensibilité, comme cette séance de coucher de ses deux jeunes enfants « C’est le temps des mots secrets, ceux qui permettent de dénouer la journée, de la reposer dans ses plis avant de de la laisser s’enfuir, se dissoudre, c’est le temps d’apprivoiser la nuit, c’est le temps des mots sans lesquels le sommeil ne viendrait pas. Je plonge le visage dans la tiédeur des cous, des oreilles, des bras qui veulent me retenir… » malgré l’absence de son aîné qu’elle cherche partout mais que personne n’a vu « Chaque jour est comme une pierre jetée d’une falaise, qui tombe avec un bruit mat et s’immobilise dans l’oubli ». Elle apprend son embarquement. Désespérée, elle écrit à son fils via la Compagnie Maritime, espérant une réponse, un mot, une photo « Dans ton visage d’homme, je rechercherais mon fils ». Inlassablement elle parcourt la grève et guette l’horizon dans l’espoir du retour de son bateau « Je ne suis qu’une coureuse de lande, une escaladeuse de rochers… » Mais comment survivre à la disparition de l’être le plus cher, un fils, disparition d’autant plus terrible qu’elle est volontaire et que cet enfant que l’on chérit, vit quelque part et refuse de donner un signe… « Je m’invente des ancres pour rester amarrée à la vie, pour ne pas être emportée par le vent mauvais, je m’invente des poids pour tenir au sol et ne pas m’envoler, pour ne pas fondre, me dissoudre, me perdre ».
Gaëlle Josse nous brosse le portrait d’une mère de marin, en Bretagne, qui tremble pour son fils mais ce pourrait être ailleurs, partout où des femmes attendent ceux qui partent, partout où des mères ont peur pour leur enfant. Et quelle plume, Madame Josse ! Son texte sert merveilleusement l’explosion de sentiments qu’elle fait naitre et le grand-père que je suis, hanté en permanence par l’image de son petit-fils (pratiquement de l’âge du fugitif), est plein de compassion pour cette mère poussée, peu à peu, aux portes de la folie.
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Créée
le 26 mai 2018
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