Mais quel peut donc être le lien entre le lieutenant Bovard, du 313e bataillon des mitrailleurs, qui refoule son homosexualité depuis son enfance ; Jasper Cone, le vidangeur de latrines, affublé d’un pénis géant ; Sugar, le jeune moricaud éternellement refait par la rouerie des Blancs ; Pollard, le serial-killer, tenancier de bar ; les filles du « Harem céleste des plaisirs terrestres » et, surtout, Cob, Cane et Chimney, les trois frères, devenus hors-la-loi par nécessité ; ainsi que d’autres personnages, tout aussi esquintés ?
C’est un chassé-croisé burlesque auquel nous assistons dans un Wild West début de siècle où les automobiles croisent les chevaux dans les rues et les costumes trois pièces, les haillons, chacun venant, à tour de rôle, apporter son grain de folie à cette histoire.
Au prétexte d’un roman façon Pieds Nickelés au Far-West, Pollock signe ici une bien cruelle fresque de l’Amérique d’hier qui n’est guère différente de celle d’aujourd’hui. Personnages principaux ou secondaires, tous sont à la recherche d’un idéal ou d’une vie idéale que bien souvent seul l’argent semble pouvoir leur procurer et pour lequel certains sont prêts à tout.
Et si l’argent ne peut tout, alors on rêve. On rêve de gloire et d’honneur dans une guerre qui se déroule pourtant bien loin ; on rêve d’amour dans les bras d’une prostituée, on rêve d’un bandit de roman astucieux et débrouillard, on rêve du Canada pour y refaire sa vie, on rêve d’un fils qui n’aurait pas disparu….
C’est un grand roman noir que nous offre là Pollock, sans complaisance pour une Amérique, depuis toujours rongée par ses propres démons, la violence, la mort, le meurtre, le viol, la torture etc… avec comme seul balise une religion souvent fort accommodante et où la vie oscille entre la chance et le hasard.
Notons, qu’une fois encore le titre français, n’apporte rien du tout, alors que le titre original The heavenly table ( la table céleste ) prend tout son sens lorsqu’on a lu le livre !