Zola prend son cycle des Rougon-Macquart à contre-pieds avec ce huitième opus.En effet l'auteur était désireux de surprendre ses lecteurs en apportant des changements créatifs tant dans le cadre de ses romans que dans leur propre construction.Cette "page d'amour" est d'une mélancolie certaine, je dirai même d'une noirceur que le titre nous dissimule.Une jeune veuve et sa fille enfermées dans leur petit monde bourgeois vont assister à l'éclatement de leur vie à travers la passion de la mère pour un médecin vivant dans la demeure adjacente.
Ne vous attendez pas à des grands élans romanesques, l'intimité est omniprésente et les sentiments sont analysés avec la fine plume de l'auteur qui décrit cet amour quasi platonique avec une intensité suffocante.Il nous livre également en toile de fond une description de Paris vu d'une fenêtre à différentes saisons, qui se lit comme on découvrirai une peinture.Quand on lit Zola on est au dix-neuvième siècle, on visite un tableau impressionniste de l'intérieur et le pouvoir des mots crée l’œuvre d'art..."une page dans une œuvre, une journée dans une vie"
"Dire qu'elle s'était crue heureuse d'aller ainsi trente années devant elle, le cœur muet, n'ayant pour combler le vide de son être que son orgueil de femme honnête ! Ah ! Non, non, c'était assez, elle voulait vivre ! Et une raillerie terrible lui venait contre sa raison.Sa raison ! en vérité, elle lui faisait pitié, cette raison qui, dans une vie déjà longue, ne lui avait pas apporté une somme de joie comparable à la joie qu'elle goûtait depuis une heure. Elle avait nié la chute, elle l'aurait souhaitée immédiate et profonde.Toute sa révolte aboutissait à ce désir impérieux. Oh ! disparaître dans une étreinte, vivre en une minute tout ce qu'elle n'avait pas vécu!"