Une vie, c'est la vie de Jeanne Le Perthuis des Vauds, fille naïve et douce d'un baron normand.
Cette vie n'épargnera pas Jeanne qui sera tour-à-tour presque violée par son mari (n'étant pas au fait des choses de la vie), cocue, veuve, manipulée par son fils... Et en même temps, il suffit de faire un pas de côté en comparant cette vie, oisive et morne, à celle de Rosalie, elle aussi marquée du sceau toxique de Julien de Lamare, époux volage de Jeanne, pour s'agacer contre l'héroïne insipide décrite par Maupassant.
Jeanne est vite insupportable avec ses airs de petite fille qui chouine mais jamais ne se rebelle ou si peu... Certains comparent Jeanne à Emma Bovary mais elles n'ont pour moi rien en commun à part la Normandie. Jeanne est innocente à un degré qui frise l'absurde et la bêtise. Elle n'agit sur sa vie pas plus qu'un morceau de bois flotté emporté par une rivière quand Emma traverse la sienne avec une majesté boudeuse. Emma est résignée et cynique quand Jeanne est idiote et pleurniche.
J'ai éprouvé beaucoup de difficultés à m'attacher à elle et donc à ressentir de la peine pour son destin. Il y a pourtant chez Maupassant une qualité d'écriture incontestable. Il tourne en dérision le romantisme avec talent et parfois même une certaine brutalité narrative. Cette sorte de naturalisme bourgeois m'a ainsi convaincu par instant, notamment dans le portrait de Julien de Lamare, particulièrement réussi. Les saillies contre l'Eglise, qu'elle soit débonnaire et gloutonne quand elle est représentée par l'abbé Picot ou fanatique et hargneuse quand elle prend le visage de l'abbé Tolbiac, sont de bon aloi et séduisent l'anticlérical que je suis. Les relations mère-fils ne sont pas inintéressantes mais pâtissent là aussi de l'aveuglement crétin de Jeanne et ce malgré le pragmatisme salutaire de Rosalie, voix de la raison qui soulage le lecteur en secouant un peu notre indécrottable ingénue.
La conclusion du roman et particulièrement les dernières phrases ont presque failli me réconcilier avec Jeanne, qui semble, à l'aube de la deuxième moitié de sa vie, avoir enfin effectué une VAE (validation des acquis de l'expérience) !
Aussi se dresse pour moi un bilan très mitigé après cette lecture vécue comme un pensum, mais à l'écriture suffisamment efficace pour me faire douter de mon jugement et me convaincre que je suis peut-être passé en partie à côté de ce roman. En conclusion je dirai que malgré mon agacement ou probablement grâce à lui, je me souviendrai longtemps d'Une vie, celle de cette potiche de Jeanne Le Perthuis des Vauds...