Cet ouvrage de Jules Verne me paraît incritiquable au XXIème siècle, car il constitue tout en même temps un récit haletant, une tentative encyclopédique hasardeuse et un manifeste pour une vision résolument positiviste du progrès technique et scientifique.
Le récit d'abord : j'ai été véritablement happé par les tribulations du professeur Aronnax prisonnier au sein du Nautilus, me permettant de réviser ma géographie du globe tout en savourant les dialogues tenus avec Ned Land et le fameux capitaine Nemo. Les combats dantesques avec les représentants de la faune sous-marine (au près desquelles les boucheries du Commandant Cousteau font pâle figure), les situations critiques sous les glaces ou dans les détroits, sont autant de passages épiques qui ne sont pas sans rappeler Alexandre Dumas.
Plus ennuyeuses, voire agaçantes, sont en revanche les énumérations encyclopédiques de poissons, coquillages, algues et crustacés en tout genre, faisant preuve d'une logorrhée zoologique pénible à lire - et pourtant indispensable dans un XIXème sièce où Wikipédia n'existait évidemment pas... Cette tentative encyclopédique tend vers la vanité, lorsque Jules Verne nous décrit l'Atlantide ou le Pôle Sud avec une précision scientifique, dont la rigueur fait quasiment oublier la dimension purement hypothétique et fantaisiste de ses écrits. Il en va de même pour les attributions du Nautilus, appareil de tôle et de boulons capable de résister à la pression sous-marine jusqu'à quinze-mille mètres ainsi qu'à la banquise de l'Antarctique, tout en accueillant à son bord un équipage nombreux capable de vivre en autosuffisance pendant des mois. Le tout expliqué uniquement grâce à des prouesses scientifiques, que l'on peut qualifier selon le point de vue de rationnelles, fantasques ou visionnaire.
En somme, il est aujourd'hui peu aisé de produire un avis objectif sur cet ouvrage tant notre vision a été altérée par les enjeux environnementaux et la conscience d'un monde fini - des enjeux que pressentait Vingt mille Lieues d'une toute autre manière.