Quand on s’appelle Yeruldelgger Khaltar Guichyguinkhen, qu’on est Mongol et policier, ça ne doit pas être facile de se faire des copains. Quand on est, en plus, misogyne, colérique, caractériel, bagarreur et qu’à force de manger du caillé de yaourt et des queues de mouton bouilli, on doit avoir mauvaise haleine, c’est sûr, il vaut mieux vivre seul. C’est d’ailleurs ce qu’il fait. Et pourtant deux femmes l’aiment ! Dieu merci, il n’a pas encore dû se battre avec un yack pour conserver son petit cheptel.
On ne change pas une recette qui marche. Ian Manook l’a bien compris. On reprend donc les mêmes ingrédients – la steppe immense et glacée, les touristes qui la ravagent avec leurs quads, les nomades sédentarisés dans leur yourte si typique, le froid, la neige, Oulan-Bator ( qui réussit cet exploit, tout en étant au cœur de la steppe, d’être la ville la plus polluée au monde ) la mafia chinoise, les personnages du premier opus, plus quelques ordures de belle taille et bien entendu, la violence et la cruauté, tellement présentes mais si bien banalisées qu’on pourrait même ne plus les remarquer( particulièrement envers les jeunes femmes et les fillettes – même Oyun y aura droit ) Ian Manook aurait-il eu des problèmes avec la gent féminine dans sa petite enfance ?
Mais ça marche !
Le premier roman m’avait pas mal emballé, sans doute à cause de son dépaysement garanti, le second me laisse franchement étourdi. C’est que ce héros inoxydable, caricature grossière du moralisateur incorruptible qui n’hésite pas à employer les mêmes méthodes cruelles que ceux qu’il combat, commence à lasser. C’est qu’à force de prendre en otage la littérature pour décrire avec complaisance des scènes de viols et de tortures, la nausée nous prend. C’est qu’à force de jouer au guide touristique en nous balançant des clichés grotesques, voilà bien un pays où je ne mettrai jamais les pieds. C’est qu’à force de développer un racisme primaire envers les Coréens, (entre autres) la France risque de recevoir de Kim Jong un missile sur la tête. C’est qu’à force de foncer dans toutes les directions comme un poulet sans tête, Ian Manook se perd dans la steppe et nous égare avec lui (même les moines de Shaolin auront droit au chapitre, les pauvres) L’auteur se targue sans doute d’être un écrivain ethnologue passionné, regrettant l’inéluctable disparition des coutumes d’un pays qui n’est pas le sien. Et alors ? Se déplacer en quad est plus rapide et plus sûr qu’en traîneau, un Iphone fonctionne mieux qu’un pigeon voyageur et un deux-pièces-loggia est plus confortable qu’une yourte. Et tant pis pour le tourisme de masse et tant pis pour Ian Manook.
Un seul point, à mes yeux, sauve le deuxième tome : un dialogue façon « Les tontons flingueurs » version toundra. Grandiose !
Le troisième et dernier tome est sorti. Je ne le lirai pas. Mais c’est le clap de fin pour Yeruldelgger. Je ne m’en plains pas.