Poussiéreux, crade, schlingos, gore, ça pue la cave, ça pue le cadavre, ça sent le cimetière et les mites et les puces de lit : bienvenue dans les ruines de l'esprit malade de Clark Ashton Smith qui, à mon humble avis, est le véritable sein auquel ont tété tous les graphistes, développeurs, créateurs de jeux vidéo dark fantasy, et de multiples auteurs de romans pestilentiels ou de réalisateurs de films fantomatiques. Son style est souvent proche du gothique à la Poe, souvent proche du conte à la "Mille et une nuits" et toujours oppressant, triste, pas de "happy end" à l'horizon, les repères se brouillent mais au quotidien. Contrairement à son ami Lovecraft où il y a toujours un point de non-retour, Smith nous montre à quel point on peut vivre dans "l'abomination" au jour le jour, en faire même son métier (sorcier, nécromancien, astrologue...), utiliser les cadavres comme des employés esclaves tel un capitaliste démoniste assoiffé de pouvoir, se repaitre en toute tranquillité de la chair et du désir des autres... et comment ne pas retrouver comme un reflet de la vie, alors que je laisse passer mon regard sur cette atmosphère mortifère qui nous suit depuis tellement d'années, comme si de rien n'était, comme si tout était normal, comme si le cours de l'existence était normal, comme si tout tombait sous le joug d'une logique pure et parfaite alors que l'absurde, l'ultra violence, la mort, la décrépitude et la maladie sont bel et bien notre quotidien, sans avoir non plus à s'en attrister vu que cela fait bien partie de notre réalité, un des multiples prismes de ce vitrail infini... Smith nous montre l'ombre de cette peinture changeante, nous pointant toutes les petites odeurs qu'on essaye d'éviter, toutes les malfaisances dont on se fait un credo de combattre avant le trépas. Voilà en quoi il est quasi parfait : il nous montre, obstiné, que la banalité de l'abject est possible, même s'il faut pour cela passer par le merveilleux et le fantastique total pour nous le faire comprendre. Le chef d'œuvre d'un misanthrope breveté, rempli à la gueule de désespoir. A ouvrir donc avec précaution, et à consommer en connaissance de cause...