Zothique
7.9
Zothique

livre de Clark Ashton Smith (1970)

Poussiéreux, crade, schlingos, gore, ça pue la cave, ça pue le cadavre, ça sent le cimetière et les mites et les puces de lit : bienvenue dans les ruines de l'esprit malade de Clark Ashton Smith qui, à mon humble avis, est le véritable sein auquel ont tété tous les graphistes, développeurs, créateurs de jeux vidéo dark fantasy, et de multiples auteurs de romans pestilentiels ou de réalisateurs de films fantomatiques. Son style est souvent proche du gothique à la Poe, souvent proche du conte à la "Mille et une nuits" et toujours oppressant, triste, pas de "happy end" à l'horizon, les repères se brouillent mais au quotidien. Contrairement à son ami Lovecraft où il y a toujours un point de non-retour, Smith nous montre à quel point on peut vivre dans "l'abomination" au jour le jour, en faire même son métier (sorcier, nécromancien, astrologue...), utiliser les cadavres comme des employés esclaves tel un capitaliste démoniste assoiffé de pouvoir, se repaitre en toute tranquillité de la chair et du désir des autres... et comment ne pas retrouver comme un reflet de la vie, alors que je laisse passer mon regard sur cette atmosphère mortifère qui nous suit depuis tellement d'années, comme si de rien n'était, comme si tout était normal, comme si le cours de l'existence était normal, comme si tout tombait sous le joug d'une logique pure et parfaite alors que l'absurde, l'ultra violence, la mort, la décrépitude et la maladie sont bel et bien notre quotidien, sans avoir non plus à s'en attrister vu que cela fait bien partie de notre réalité, un des multiples prismes de ce vitrail infini... Smith nous montre l'ombre de cette peinture changeante, nous pointant toutes les petites odeurs qu'on essaye d'éviter, toutes les malfaisances dont on se fait un credo de combattre avant le trépas. Voilà en quoi il est quasi parfait : il nous montre, obstiné, que la banalité de l'abject est possible, même s'il faut pour cela passer par le merveilleux et le fantastique total pour nous le faire comprendre. Le chef d'œuvre d'un misanthrope breveté, rempli à la gueule de désespoir. A ouvrir donc avec précaution, et à consommer en connaissance de cause...

Claudeuh
8
Écrit par

Créée

le 1 juil. 2024

Modifiée

le 1 juil. 2024

Critique lue 11 fois

Claudeuh

Écrit par

Critique lue 11 fois

D'autres avis sur Zothique

Zothique
Cthulie-la-Mignonne
7

Comment bâcler une intégrale (mais faire plaisir avec des goodies)

Je suis bien embêtée pour parler de Zothique, parce que j'ai besoin de faire la part entre le travail de l'écrivain, et le travail éditorial, le second n'étant à mon avis pas vraiment à la mesure du...

le 26 déc. 2019

6 j'aime

1

Zothique
Le-Maitre-Archiviste
8

Le grand oublié de la dark-fantasy, Clark Ashton Smith

Si je vous parle de Clark Ashton Smith, il est fort probable que vous ne voyez pas de qui on parle, et pourtant : il est l'une des figures iconiques de Weird Tales, un grand ami de Lovecraft et l'un...

le 6 mai 2024

1 j'aime

Du même critique

The Gorge
Claudeuh
2

Deux sur dix

Bluette avec plein d’armes. Des gentils méchants. Des assassins gentils. Des victimes, des guerres. Avances rapides. Vide. Clichés. Ennui.

le 16 févr. 2025

3 j'aime

3

Tenet
Claudeuh
7

Pas si abscons que ça

Ben non. Abscons c'est Inland Empire, ou la troisième saison de Twin Peaks, ou le cinéma expérimental hongrois peut-être. Et dans la même thématique des boucles temporelles, Tenet est mille fois plus...

le 11 juil. 2023

3 j'aime

Mickey 17
Claudeuh
9

Être heureux : c’est possible.

Que de générosité encore dans le propos, avec des éléments récurrents toujours traités avec beaucoup d’humanisme! La complémentarité compassion/violence dans les situations d’indignité, la nécessaire...

il y a 4 jours

1 j'aime