Avant Sympathy for the devil, les Stones étaient simplement un groupe de rock ayant construit un son bien à lui à partir du Blues, un sex symbol à lèvres pulpeuses (Mick), une chanson-phénomène (Satisfaction) et surtout un groupe marketé comme une bande de sales gosses infréquentables pour attirer tous les fans de rock qui trouvaient les Fab Four trop propres sur eux. Mais avec le morceau les Stones assumeront pour la première fois pleinement leur position d'antagoniste maléfique des petits gars de Liverpool. Marianne Faithfull avait fait découvrir à Jagger Le Maître et la Marguerite de Boulgakov et Jagger en tirera le texte de la chanson, statement sur le rôle moteur du Mal dans l'histoire du monde, du destin du Christ jusqu'à ces sixties à l'innocence déjà flinguée par l'assassinat de Kennedy. Le timbre vocal de Jagger, entre sensualité inspirée de ses idoles bluesmen et de James Brown et élégance feutrée de Lord anglais, coïncide à la perfection avec la personnalité du narrateur satanique de la chanson. Et surtout Méphisto demande à la fin de la chanson l'indulgence de son auditoire au nom de la part de responsabilité de l'être humain dans le règne du Mal sur terre. Mick et Keith sont désormais les porte paroles de la fin du vernis d'optimisme des années 60 et il n'est du coup pas étonnant qu'ils soient devenus la signature auditive d'un des grands du Nouvel Hollywood (Scorsese). Il ne faut cependant pas laisser de côté l'apport de Keith: les percussions latinos, le solo de guitare sale. Et les whooo whooo des choeurs, une de ces idées géniales émergeant par accident en studio qui ont fait la mythologie rock.