Cette mini-série ( critique à mini spoils, vous voilà prévenus ) a de quoi décevoir ceux qui s'attendaient à une énième version des théories du complot sur l'assassinat qui coûta la vie à John Kennedy, avant de lui conférer le statut enviable d'icône américaine.
Le JFK d' Oliver Stone, malicieusement mentionné dans le cours du récit, fait encore largement l' affaire pour ceux que cela intéresse.
A la place ici, un subtil dosage entre faits réels et fiction réaliste vous laissera dans l' incertitude où nous sommes toujours sur les tenants et aboutissants de cette ténébreuse affaire hé hé hé....
Elle a pu aussi laisser sur leurs faims ceux qui espéraient une analyse intelligente de l' importance de cet événement dans l' imaginaire états-unien.
Nul intellectualisme ne viendra gâcher votre plaisir coupable du récit haletant, de la plongée savoureuse dans un passé mythique, de la minutieuse reconstitution d'une époque où l' homme portait le chapeau et la jeune femme des gants blancs... Nous sommes dans la romance de gare routière, version luxueuse...
Le terrain narratif est excessivement balisé.
Primo, voyage dans le temps.
Secundo, refaire l' Histoire façon "si j'avais la possibilité de remonter le temps j'irai assassiner Hitler".
Tertio, énième exploitation du mythe communautaire américain de la petite ville de péquenots, après Bedford Falls, Springfield et Dillon, je vous présente Jodie, ville imaginaire du Texas ( ne vous embêtez pas j'ai vérifié ).
Je ne saurai dire ce que les auteurs de la série ont gardé du livre original de Stephen King ne l' ayant pas lu. Je me hasarderai simplement à une analyse personnelle sur le thème me semble - t-il majeur de cet objet filmique à géométries variées, la figure du héros.
Manifestement Jake Epping professeur de lycée dans la petite ville de Lisbon ( Maine ) mène une vie en deçà de ses rêves. Écrivain raté au mariage tout aussi raté, il trouve une occasion apparemment sans conséquence d'être un héros, il lui suffit simplement d'empêcher l'assassinat de JFK.
Toutes les connaissances accumulées sur l' événement lui en donne les moyens, mais en a-t-il les épaules? Rien n'est moins sûr...
Il a besoin d'aide notre héros. Celle inespérée du jeune Billy au destin à la Bibbit...
Mais un héros sans sa belle, c'est comme une soupe sans sel.
Elle se prénomme Sadie, son sourire est irrésistible, pourtant elle va lui donner du fil à retordre, et nous plonger avec lui dans le sordide puritanisme américain.
(derrière la jolie reconstitution des cool sixties, le sordide affleure souvent. )
Le "passé qui résiste" est une facilité narrative héritée manifestement de King, et dont les auteurs de la mini-série font de leur mieux pour en minimiser les effets néfastes. ( L' homme au chapeau, n' y avait-il donc vraiment personne pour le buter ce con...? )
Au fil des épisodes, le projet King, émerge peu à peu sans nous assommer: qu'est-ce qu'un héros ?
L'homme qui s'est illustré à la guerre ? Ou celui qui est resté tenir la baraque, maintenir les liens sacrés de la communauté, à l'instar de Georges Bailey, héros inoublié de "life is wonderful".*
Pardon pour cette digression. Revenons à la série.
Le héros est-il notre homme qui peut changer l' Histoire, ou alors cet homme, Lee Harvey Oswald qui veut marquer l' Histoire? L'un poursuit la mission qu'il s'est assigné, tandis que l' autre s'en cherche désespérément une avant de la trouver. L'un a toutes les peines du monde à se mettre en couple alors que sa mission le lui interdit, tandis que l' autre est dans l'incapacité à donner une chance à son couple, trop préoccupé de lui même et de ses idéaux.
"A la guerre il n' y a pas de héros", dit au peu splendide Amberson, un vétéran de la seconde guerre mondiale.
A la fin de cette histoire, qui retombe sur ses pieds mieux que nous avons pu le craindre, vous trouverez des héros que vous n' attendiez pas.
Ni héros sacré par l' Histoire, pas davantage héros de l'ombre mis en lumière par les historiens, mais le héros ordinaire dont Jake Epping ne se soupçonnait pas pouvoir être: professeur.
Une personne qui par son engagement quotidien, aura marqué de son empreinte le destin de quelques-uns de ses élèves.
Sadie Dunhill, Deke Simmons, les seuls héros dignes d'éloges de cette histoire.
( Par parenthèse, quelle splendide histoire dans l' ombre que celle qui unit Simmons et Miss Mimi... Il n' y manque qu'une scène poignante pour que cette série joue dans la cour des Grands. )
Laissons le mot de la fin à Monsieur Simmons, ou devrais-je dire Stephen King qui a signé ce poème :
**We did not asked for this room or this music. We were invited in.
Therefore, because the dark surrounds us, let us turn our faces to the light.
Let us endure hardship to be grateful for plenty.
We have been given pain to be astounded by joy.
We have been given life to deny death.
We did not ask for this room or this music. But because we are here, let us dance.
Nous n’avons pas demandé cette salle ou cette musique. Nous y avons été invités. En conséquence, parce que l’obscurité nous entoure, laissez-nous tourner nos visages vers la lumière.
Laissez-nous endurer les épreuves et être reconnaissants pour ce que nous avons.
On nous a donné la douleur pour être stupéfaits par la joie.
On nous a donné la vie pour refuser la mort.
Nous n’avons pas demandé cette salle ou cette musique.
Mais puisque nous sommes là, dansons.**
( plates excuses pour la traduction assez fadasse )
*https://www.senscritique.com/film/La_vie_est_belle/critique/14490042