I'm too poor to have a fear of success
A priori, la série est tout ce qu'il y a de plus conventionnel et déjà vu. Rires enregistrés, les opposés s'attirent et apprennent à se comprendre, yada yada yada (j'ai le droit à mon "yada", la série est quand-même portée par une juive new-yorkaise notoire). La série repose sur la cohabitation et l'amitié improbable d'une serveuse débrouillarde et grande gueule de Brooklyn (Kat Dennings, donc) avec une ex-princesse de l'Upper East Side, fille d'un genre de Bernie Madoff, contrainte à revoir son niveau de vie à la baisse après que son père est arrêté pour un scandale financier majeur. La magie du show, c'est qu'il est écrit par Michael Patrick King, soit Jean-Michel "Sex and the City". C'est donc l'homme à qui l'on doit Carrie Bradshaw, soit l'avènement de la manhattanite pointue, cultivée et bourgeoise à la fin des années 90 dans le paysage télévisuel américain. C'est donc aussi lui qui écrit en 2011 la série qui précisément ringardise une néo-Carrie au profit d'une hipster brooklynite.
Le principal ressort comique du show réside dans ses dialogues plutôt salés, Kat Dennings faisant passer avec un naturel désarmant des vannes toutes plus tirées par les cheveux les unes que les autres. Face à elle, la "bourge de Manhattan", apparaît presque comme échappée d'un Sex and the City ou d'un Gossip Girl générique – blonde anorexique, parlant comme une parfaite Valley Girl, perchée sur des talons de 12 cm, elle est l'image-même de l'urbaine à la pointe de la mode, dont on nous apprend qu'elle a tout de même fait des études de commerce à Wharton (le prestige, mec, le prestige).
Alors que 10 ans plus tôt, le même type social suscitait nos désirs d'identification et de convoitise, c'est maintenant le personnage de la serveuse fauchée mais surtout très grande gueule, qui rise and shine. Elle a pas de pognon, elle a pas de projet d'avenir, elle a 7 bons kilos en trop. Mais elle a le swag, elle se fringue à l'armée du salut, elle maîtrise toute la scène musicale brooklynite, elle a la tchatche et une liberté d'esprit qu'on ne retrouve que chez peu d'autres personnages féminins de série. C'est comme si 2 Broke Girls mettait en scène l'adage selon lequel désormais, New York est à Brooklyn (et plus à Manhattan), et c'est comme si Michael Patrick King avait été mis à l'écriture du show pour symboliser la confrontation de deux types féminins new-yorkais, pour montrer l'épuisement de l'un au profit de l'avènement de l'autre.