A young doctor’s notebook and other stories est une adaptation anglaise d’un recueil de nouvelle de Boulgakov, un auteur russe que j’ai découvert en même temps que la série. Je ne me suis pas encore plongée dans la lecture de ces nouvelles, mon avis sur la série n’est donc pas du tout influencé par les histoires d’origine (écrites dans les années vingt).
Pour ce qui est du sujet – on sent légèrement l’influence des origines et de la vie de l’auteur – nous sommes en Russie aux alentours de 1920, et un jeune médecin frais émoulu de l’université de médecine de Moscou est envoyé dans un hopital de campagne, en plein hiver et à des centaines de kilomètres de toute forme de civilisation. On suivra les aventures de ce docteur pendant deux toutes petites saisons de seulement quatre épisodes chacune.
Le premier intérêt de A young doctor’s notebook est qu’elle m’a permis de me réconcilier avec Daniel Radcliffe. Je n’avais pas du tout aimé cet acteur en Harry Potter – sans doute parce que j’ai détesté tous les films de Harry Potter – et je ne le connaissais que dans ce rôle. Dans cette série, il se détache totalement de son personnage de petit sorcier, et s’en sort à merveille. Il est de toute évidence très talentueux dans un rôle plus qu’étrange dans lequel il se fond parfaitement.
Son duo avec Jon Hamm (qui, de son côté, s’éloigne avec succès de son rôle de Don Drappel dans Mad Men) fonctionne vraiment bien même s’il est totalement absurde, forcément, les deux acteurs ne présentent pas vraiment de ressemblance physique flagrante, mais jouent sans embarras le même personnage à deux âges différents. Le deuxième intérêt de la série, c’est la complicité de ces deux acteurs qui ont vraiment l’air fait l’un pour l’autre, le dynamisme débordant d’enthousiasme du premier qui s’unit au flegme dédaigneux du second pour former un personnage farfelu qui tend à devenir progressivement complètement cinglé.
L’autre point qui rend cette série exceptionnelle, c’est la difficulté à la catégoriser. Pourquoi ? Sans doute parce qu’on a, d’un côté des nouvelles russes satiriques et burlesques, inspirée des expériences de l’auteur pendant la guerre, et de l’autre un scénario anglais à l’humour… anglais. Puis on a un médecin, perdu au milieu d’une campagne enneigée, entouré par une équipe totalement barrée (des acteurs secondaires qui complètent le casting avec beaucoup de talent également), qui rencontre son futur lui-même qui s’avère parfaitement incapable de le garder, enfin de se garder dans le droit chemin. Et entre des patients très spéciaux, l’ennui mortel qui règne, et la morphine qui n’attend que d’être consommée, il y a de quoi devenir complètement dingue.
Le résultat final, c’est un ovni qui tient à la fois de la comédie, du drame, de la satire, et parfois même un peu de l’horreur. L’humour est tranchant (beaucoup plus tranchant que la scie qu’utilise le médecin pour amputer ses patients), les situations parfois terriblement angoissantes, parfois à mourir de rire, mais toujours totalement absurdes et à la limite de la folie furieuse.
Les dialogues qui servent cette histoire sont parfaits, ni trop, ni trop peu, juste ce qu’il faut d’ironie, de perversité et de sadisme pour qu’on hésite entre être horrifié ou éclater de rire. Les deux personnages principaux s’engagent régulièrement dans des joutes verbales qui oscillent entre pitié, leçon de morale, provocation ou agressivité. Ces échanges contribuent à montrer ce personnage principal dans toute son humanité et sa faiblesse, ce qui est parfois hilarant, et d’autre fois franchement déprimant.
La seule chose pour gâcher le plaisir, c’est que ça ne dure pas… Ne nous le cachons pas, huit épisodes pour raconter une histoire de fond très dense, à laquelle s’ajoute une multitudes d’éléments perturbateurs, c’est court, très court. Trop court ? Oui et non. À mon sens, cette contrainte contribue à la richesse de la série. Si elle s’était étalée sur des saisons plus longues, le rythme aurait été moins palpitant, bondissant, et un peu schizophrène. À chaque épisode, on gagne en intensité, on entre un peu plus dans l’univers des personnages, on ne se lasse pas de se faire entraîner de plus en plus loin dans la folie qui les gagne.
Alors certes, la saison complète dure à peine trois heures en tout, ça n’est vraiment pas grand chose, mais rater ces trois heures, c’est rater une des séries les plus originales de la décennie ! Et c’est aussi rater Daniel Radcliffe qui prend un bain avec Jon Hamm, et ça, ça serait vraiment dommage…
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