Il s'en passe des choses chez les Capucins. Vous avez dit too much ?
Parce que j’ai découvert cette série sur le tard, j’ai eu l’occasion d’en entendre parler à plusieurs reprises et souvent en bien pour ce qui est des critiques séries que je suis. Bien sûr, j’ai également entendu les reproches adressés par le cercle religieux quant à la véracité de ce tableau. Un tableau rendu par quelques laïques à la vision naturellement biaisée par mille et une choses, dont leur statut, celui-là même qui les exclue nécessairement de ce « monde ».
Enfin, il était à croire que par cette série, la fiction française du point de vue sériel devait renaître et connaitre un ou deux beaux jours plus tard avec Les revenants. Ce n’est pas si faux quant on prend en compte le point de départ de la fiction française, c’est-à-dire un point placé tellement bas qu’il en devient invisible. Mais voilà, à côté de cette incroyable audace qu’est de s’attaquer à l’institution religieuse catholique en France, (et, en faisant par là-même remonter du séminaire au Vatican la storyline de plusieurs personnages), il faudrait énumérer tous les écueils dans laquelle cette série tombe car il semblerait presque qu’elle n’en manque aucun.
Tout d’abord, les personnages arrivent au séminaire avec le même discours sur la soi-disant découverte de dieu, mais surtout avec un bagage très chargé qu’ils trainent difficilement derrière eux. Et c’est tant mieux, cela ajoute un peu de relief à la psychologie des personnages. Seulement, on ne reconnait de vraie foi chez aucun d’entre eux. Bien évidement, l’idée n’est pas de nous révéler au sein d’une série télévisée la vérité transcendantale qu’est censée nous apporter la découverte de Dieu, mais rien n’est dit sur ce qu’est la foi, alors qu’il s’agit bien du fondement même de cette fiction, comme si les créateurs avaient pris le parti qu’un tel engagement n’est possible que dans le rejet de soi ou de l’autre, ou plus largement par la fuite en avant de quelque chose (l’homosexualité refoulée, la culpabilité, la famille de dingues riche, la famille de dingues pauvre…). Cette thèse est acceptable mais dès lors qu’on essaie de l’utiliser à des fins globalisantes, elle n’est plus crédible.
De plus, la série aurait eu sans doute plus de légitimité en abordant seulement quelques thèmes peut-être moins forts symboliquement et moins chargés tant socialement que politiquement. Au final, il semble que tout leur tombe dessus à ces pauvres apprentis prêtres ! Il y a bien des interrogations mais rien n’est approfondi. Plus encore, entre l’avortement d’une sœur pour l’un et le suicide du frère pour l’autre, il n’y a aucune cohérence, on ne voit pas très bien en quoi toutes ces péripéties permettent de faire avancer l’histoire. C’est ce qui est le plus frappant lorsque l’on se rend compte que l’un deux doit faire face à la réalité de son homosexualité. D’un épisode à l’autre, il tombe amoureux de l’un de ses camarades, leur attirance mutuelle n’ayant même pas eu le temps de mijoter. Tout est arrivé en une fraction de seconde, sans que rien n’ait été donné aux téléspectateurs. Il faut ajouter à tout cela, les méthodes plus que douteuses du père Fromenger dans la gestion des comptes du séminaire, des rivalités et des ambitions qui se cristallisent au sein du Vatican en un personnage, la question de la laïcité dans les universités, l’opposition entre les principes de la religion catholique –la charité d’Eglise principalement- et les logiques économiques du monde actuel… Tout cela est abordé sans vue d’ensemble, de manière superficielle. Et cela frise même parfois le ridicule, en particulier lorsque les scénaristes décident de ponctuer leurs épisodes de prières, éléments ultra redondants, sans intérêt scénaristique ni même esthétique, ou lorsqu’ils se décident à mettre en avant le personnage du père Dominique Bosco (ri-di-cu-le), servi par ce que me semble être le pire acteur de la série soit dit en passant.
Malgré tout, cette série, je l’ai quand même regardé jusqu’au bout, avec peine parfois mais aussi avec un certain plaisir tout de même. On a envie d’y croire. Et tout cela à cause d’un personnage essentiellement : José. Il incarne à lui seul une source inépuisable d’intrigues. La série aurait pu ne tourner qu’autour de lui, on s’en serait s’en doute mieux porté. Choix scénaristique plutôt bon, il a tué, mais on en ignore le mobile. On le suit à sa sortie de prison et on le voit se confronter au père Fromenger pour obtenir une place dans son séminaire (malheureusement, ce qui semblait être les prémices d’une relation chaotique entre un mentor et son élève l’ex-taulard n’aboutit pas à ce que l’on espérait !), on le voit se battre dans les rangs de l’université pour se faire accepter (c’est à ce moment qu’apparait alors l’un des fantasmes des auteurs : l’Eglise raccord, progressiste, pure mythe cependant), on le voit faire pénitence et on le voit réapprendre à être, peut-être le voit -on tenter de se racheter une conduite lorsqu’il se bat pour les réfugiés… Au final, sa trajectoire est plutôt cohérente et elle continue de l'être lorsqu'il se retrouve devant la famille du "Russe" pour expier ses fautes. Mais c’est parce que le meurtre continue de le hanter encore et encore, et parce que son histoire dévoile des éléments qui s’avèrent intemporels dans la gestion des affaires des Hommes par l’Eglise, que l’on s’accroche tant bien que mal à Ainsi soient-ils.