C'est avec étonnement que je constate qu'on ne parle pratiquement pas ici de Au nom du père, aucune critique n'ayant été publiée à l'heure où j'écris ces lignes. Voici donc trois raisons de regarder cette série danoise, créée en 2017 par Adam Price.
Les Danois
C'est d'abord l'occasion de changer des productions françaises et surtout anglo-saxonnes pour voir de nouvelles têtes, écouter une autre langue. Les acteurs sont solides : Lars Mikkelsen bien sûr (qui s'avère être le frère de Mads Mikkelsen, récompensé en 2012 pour son rôle dans La Chasse ; le Danemark est petit), excellent dans son rôle de pasteur aussi faillible que ses brebis, mais ceux qui l'entourent ne sont pas en reste.
Le Danemark
C'est aussi l'occasion de découvrir un pays, si proche et pourtant méconnu par chez nous. Pour un citoyen du pays de l'anticléricalisme, le dépaysement est total : la religion est là-bas une affaire d'État (l'Église nationale danoise jouant le rôle d'état civil) et les Danois sont pieux. Il faut voir cette scène où des militaires demandent au pasteur qui les accompagne sur le terrain de les bénir, eux et leur équipement. Les diocèses se conquièrent comme des sièges à l'assemblée nationale et les paroisses sont gérées comme de petites mairies.
La foi
Pourtant les Danois ne sont pas les bigots qu'on pourrait facilement s'imaginer. Le rapport au divin n'est jamais simpliste et les personnages ne sont pas des saints : ils doutent, et dans leur comportement ressemblent à n'importe quel occidental. Johannes Krogh (Lars Mikkelsen), bien que profondément croyant et cherchant à faire le bien, n'en est pas moins un mari volage, ambitieux et alcoolique. Son fils aîné (Simon Sears) a abandonné la théologie pour le commerce avant de se tourner vers le bouddhisme. Le cadet (Morten Hee Andersen), enfin, qui semble d'abord un pasteur prometteur, sombre dans la dépression, rongé par le doute et la culpabilité.
La série dénoncerait-elle les hypocrisies de l'Église danoise alors ? Non plus, car les pasteurs sont aussi reconnus pour ce qu'ils sont : des médecins de l'âme dont même les athées vont chercher les conseils ou le réconfort. Et alors même que Johannes est connu pour ses positions sévères envers l'Islam, il use de toute sa rhétorique pour permettre à un immigré clandestin musulman d'obtenir la protection du diocèse. « Dès lors qu'il frappe à ma porte il est mon prochain ! »
Le spectateur en sortira avec de quoi réfléchir sans que jamais la série ne lui ait forcé la main. À plusieurs reprises il aura assisté à des visions sans jamais pouvoir trancher : apparition divine ou hallucination d'un exalté ? De manière assez révélatrice, l'Église elle-même ressentira un certain inconfort lorsqu'elle sera confrontée à la question.
Au nom du père, c'était fin 2018 sur Arte. Mais il vous reste toujours la VOD.
La saison 2
Un peu moins de deux ans plus tard, Arte diffusait la saison 2 de la série aux mille et un titres : Au nom du père en France, mais Herrens Veje (Les Voies du Seigneur en VO) et Ride upon the storm (en référence au générique d'intro) à l'étranger. Malheureusement, le titre français perd un peu de son sens, puisqu'il ne sera pratiquement plus question des relations compliquées – voire tendues – entre le père de la famille Krogh et ses autres membres.
Cette saison 2 traite, elle, du thème de la culpabilité et de la rédemption principalement par le prisme du deuil ; un sujet universel qui la rend du même coup beaucoup moins dépaysante que la première. On ne voit plus beaucoup de sermons ou de discussions au sein du diocèse, ni de débats religieux. Même la place de l'islam dans la société danoise est finalement traitée de manière assez superficielle. On ne voit guère, également, d'expérience spirituelle, si ce n'est un court flashback à Jérusalem. On ne parle pratiquement que de rédemption, et c'est très lent, à tel point qu'on a parfois l'impression que les scénaristes font du remplissage.
Finalement, bien qu'elle apporte une conclusion à la série, on peut se demander si cette suite était si pertinente et si la fin ouverte de la saison 1 ne se suffisait pas à elle-même. À réserver à ceux qui ne voulaient pas en rester là.