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Pas particulièrement connue pour ses séries comiques – encore moins au format 26 minutes –, Arte surprend avec Au service de la France, sorte d’OSS 117 télévisuel, davantage focalisée sur les absurdités bureaucratiques que sur les missions d’espionnage. Très bien écrite et interprétée avec une certaine finesse, la série se montre plus pince sans rire que le diptyque de Michel Hazanavicius… mais tout aussi hilarante.


« Quand on sauve le monde libre, il y a de la paperasse, des notes de frais, des justificatifs », explique Jean-François Halin, créateur et scénariste d’Au service de la France. Une citation qui résume assez bien l’esprit de la nouvelle série d’Arte vu qu’elle s’attache à décrire les services de renseignements français et leur ridicule bureaucratie, dans un contexte de guerre froide et de décolonisation africaine. « La France de 1960 est un pays en partie en ruines, sale… C’est une France toujours ancrée dans le passé* », explique le scénariste. Les agents secrets de la série sont persuadés de la supériorité de leur pays et de ses valeurs millénaires. Ils ne manquent d’ailleurs aucune occasion de le faire savoir à coup de remarques racistes (« Ils sont bien gentils, exubérants, tout ce qu’on veut, mais c’est quand même pas le boulot qui les étouffe », balance Moulinier, interprété par Bruno Paviot, à propos des Africains), misogynes (la secrétaire Marie-Jo, jouée par Marie-Julie Baup, reçoit un robot ménager pour en guise de félicitation pour sa promotion)… et de mauvaise foi. Ainsi, le directeur des opérations, Moïse (Christophe Kourotchkine), évoque en présence d’agents de la CIA « notre victoire sur la barbarie [les nazis, donc] à laquelle, il ne faut pas oublier, nos amis [américains] ont apporté leur petite pierre » Trop aimable !


Cet auto french bashing savoureux, dénonçant le manque de clairvoyance et l’hypocrisie de la France des années 60, n’est pas sans rappeler l’atmosphère des OSS 117. Logique, Jean-François Halin est l’auteur des scénarios des deux films d’espionnage de Michel Hazanavicius. « Il y a bien entendu une parenté avec OSS 117, une sorte de cousinage* », reconnaît l’auteur, qui cultive un appétit pour l’absurde et l’humour pince sans rire. En témoigne la belle tirade de Calot (Jean-Édouard Bodziak) sur nos voisins outre-Rhin : « Quant aux Allemands, il y a Allemands et Allemands : Allemands de l’Est et Allemands de l’Ouest, Allemands amis et Allemands ennemis. Mais tous ces Allemands sont allemands, qu’ils soient allemands ou… allemands. » Le tout avec un sérieux confondant. Ou lorsque le colonel (Wilfred Benaïche) parle de « configuration monôme » pour une mission en solo. Karim Barras (Jacquard) revendique de son côté l’humour « à l’anglaise » de son personnage. Parfois, les auteurs se permettent de la drôlerie plus premier degré comme avec Lechiot (Antoine Gouy) qui tamponne super violemment ses documents, secouant tout le bureau.


En contrepoint de tous ces personnages obtus aux modes de pensée archaïques, André Merlaux (Hugo Becker). Idéaliste et travailleur, le nouveau stagiaire des renseignements français va tout faire pour mériter sa titularisation. C’est au travers de ses yeux candides que le spectateur découvre les lourdeurs et les aberrations de l’administration du Service (« Qui vous a permis de croiser des informations ? », s’exclame Moïse à l’adresse du stagiaire, arguant que les trois départements du Service sont séparés pour une bonne raison). Vieux jeu en ce qui concerne la place des femmes dans la société, Merlaux change progressivement d’avis au contact de Sophie (Mathilde Warnier), dont il tombe amoureux. Tailleuse de métier, elle n’hésite pas à tenir tête à ses parents, voir son petit ami en cachette et se couper les cheveux à la garçonne. Une vraie féministe qui apporte une appréciable fraîcheur à cet univers peuplé de machos, à commencer par la secrétaire Marie-Jo !


« On n’a pas cherché à faire du gag à tout prix, ce n’est pas une sitcom », précise Claire Lemaréchal, coscénariste de la série avec Jean-André Yerlès. Ce dernier explique que Lemaréchal et lui se sont « calés dans l’esprit de Jean-François et sa manière extrêmement perturbée de proposer une histoire. […] Toutes les blagues racistes, c’est lui !” Le duo a aussi apporté son expérience de la fiction TV – ils ont notamment collaboré sur la série policière Groupe Flag –, un domaine nouveau pour Halin, même s’il a longtemps travaillé aux Guignols de l’info et à Groland. Il en a gardé un goût pour l’impertinence salvatrice et l’humour jusqu’au-boutiste. Une attitude encouragée par Arte, qui a donné carte blanche aux trois auteurs et les a même encouragés à vanner les Allemands, décrits comme un peuple trop différent des Français car amateur d’opéra et ne prenant pas le temps de déjeuner. « Ça fait plaisir d’être avec une chaîne qui cultive l’autodérision », sourit Gilles de Verdière, le producteur.


Visuellement, la série dispose d’un vrai cachet, alternant les scènes dans l’enceinte un peu morne du Service – égayée par un planisphère ultramoderne et un « aquarium » pour les réunions – et celles en extérieur, en Algérie ou en Russie par exemple. Assez limités en nombre, les décors retranscrivent plutôt bien l’époque, dans un souci manifeste de vraisemblance malgré un budget que l’on imagine serré. Les costumes, notamment ceux de la troublante agente Clayborn (Joséphine de la Baume), ne paraissent jamais étranges ou anachroniques. Soignée, la mise en scène s’avère dynamique et plaisante, sans fioritures, avec de jolis cadrages. « Le piège était de rester témoin du texte, de se contenter de faire du champ contrechamp et de suivre les dialogues* », estime Alexandre Courtès, réalisateur de tous les épisodes. On lui doit aussi de nombreux clips musicaux (Justice, U2, Noir Désir…), des segments d’Infidèles et le film d’horreur The Incident. Nicolas Godin, moitié du groupe Air, s’est, quant à lui, occupé de la musique, efficace et dotée de thèmes entêtants.


La plupart des épisodes déroulent une petite histoire indépendante qui se conclut 26 minutes plus tard. Cependant, des fils rouges apparaissent progressivement : la relation amoureuse André/Sophie bien sûr, mais surtout l’enquête officieuse concernant un membre du service à l’attitude trouble pendant la guerre… Cette dernière intrigue s’avère tout à fait « sérieuse » et étonnement prenante. Attention au cliffhanger à la fin de la saison ! Pas de panique : l’atmosphère de la série reste axée sur la comédie 90% du temps. On rit beaucoup au contact de tous ces personnages machistes, racistes et pétris de préjugés sur l’autre.


Un humour particulier et loin d’être anodin… N’est-ce pas un terrain trop glissant ? Jean Dujardin lui-même semble le penser, comme l’atteste sa récente interview sur RTL au sujet d’un possible troisième OSS 117 : « C‘est pas dans les papiers. Je ne suis pas bien sûr que l’humour d’OSS soit vraiment propice à l’époque qu’on traverse. […] Je suis pas sûr qu’on ait les bons rires si on fait un OSS en Centrafrique sous Giscard. » Un avis que ne partage par Jean-François Halin : « J’aime beaucoup Jean Dujardin mais je pense que c’est totalement une idiotie ». Le scénariste des OSS 117 et d’Au service de la France pense justement que l’humour qui dérange et qui interpelle doit plus que jamais être valorisé.


Au service de la France sera diffusée sur Arte en 3 x 4 épisodes le 29 octobre à 20h50, le 5 novembre à 20h55 et le 12 novembre à 20h55. Les DVD et Blu-ray seront disponibles le 4 novembre. Enfin, un test pour devenir agent secret sera proposé sur le site de la série le 8 octobre avec des cours vidéo donnés par les personnages de la série.


(http://www.dailymars.net/espions-complots-et-notes-de-frais-au-service-de-la-france-critique-de-la-saison-1/)



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le 29 sept. 2015

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Arthur Bayon

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