Un sommet fassbinderien !!!
Bon près de 900 minutes fassbinderiennes, on peut redouter les excès de prétention qui ont parfois considérablement pollué le cinéma de ce réalisateur allemand mais d'un autre côté on se dit qu'on est en plein dans sa période du sommet c'est-à-dire la toute fin des années 70-le tout début des années 80.
Résultat : si, uniquement dans les premières parties à moins que ce soit le spectateur qui s'habitue au style, on a quelques fois quelques excès de ce type, notamment pour ce qui est du domaine de la théâtralité, on a surtout du grand cinéma (même si c'est une série télévisée !!!) comme Fassbinder était capable d'en faire, avec en point d'orgue un épilogue, que n'a pas dû renier un Fellini ou un Russell, où le réalisateur profitant du fait qu'on soit dans l'esprit fou du protagoniste se lâche totalement et se livre un véritable déchaînement scénaristique, visuel, sonore et musical, n'hésitant pas à faire appel pour le meilleur à de la musique moderne, et donne ici ce qui est peut-être le sommet de son oeuvre entière.
De plus, il parvient subtilement à nous faire comprendre la montée du nazisme (on est loin de la symbolique lourdingue de "Despair" !!!), beaucoup plus aidée par une République de Weimar rendue exsangue par le chômage et le désespoir que par un véritable fanatisme.
A côté de cela, on ne peut pas oublier l'excellence de l'interprétation surtout trois d'entre-elles, hallucinantes de perfection :
- Gottfried John, qui exerce autant de fascination sur le spectateur que sur le protagoniste ou les femmes en véritable salaud au débit nasal un brin méphistophélique.
- Barbara Sukowa, absolument craquante en jeune prostituée amoureuse, dévouée et têtue, qui apporte une véritable bouffée de fraîcheur bienvenue sur les dernières parties, et dont on comprend sans mal l'amour que lui porte le protagoniste.
- Et bien sûr Günter Lamprech, dans la peau de notre fameux protagoniste, très judicieusement choisi d'abord parce qu'il rappelle les grandes stars masculines de l'époque à laquelle se déroule le film, qui dévoraient l'écran par leurs carrures imposantes, les Harry Baur, les Heinrich George, et ensuite et surtout parce que le comédien arrive à nous faire comprendre la force et la fragilité de son personnage, ses qualités et ses défauts et à nous le rendre attachant du début jusqu'à la fin.
A noter que si on excepte "Tous les autres s'appellent Ali", c'est la seule oeuvre du cinéaste à se terminer par une touche d'espoir.
Mon seul regret dans tout ça : ne pas encore avoir lu le roman d'Alfred Döblin, mais par contre je suis très heureux d'avoir vu ce Fassbinder très grand cru.