Black Mirror me dérange. Non, Black Mirror me fait peur. Pire encore, Black Mirror me plonge dans une espèce de paranoïa infernale. Quand j'en parle à d'autres personnes, je n'ai que ce mot : dérangeant, pourtant bien pauvre face à l'oeuvre qu'elle représente à mes yeux.
Et pourtant, on le sait déjà : cette série casse des briques et envoie des baffes à toute personne qui s'aventure dans ses méandres, toute personne un tant soit peu sensible au monde qui nous entoure, et à la percée des nouvelles technologies, de plus en plus indépendantes de leur créateur : de plus en plus omnipotentes donc.
J'ai fait cette terrible erreur un jour, de regarder la deuxième saison seule, chez moi, dans le noir, presque comme une grande; heureusement qu' How I Met existait à ce moment sinon j'aurais fini complètement désincarnée, à ne plus jamais vouloir sortir de mon lit (La deuxième saison est vraiment celle qui m'a semblé le plus.. dérangeante).
Les nouvelles technologies pullulent, et il n'existe pas un jour sans qu'une quelconque avancée technologique ne le voit, le jour. Black Mirror réussit à mettre en exergue cette prolifération presque insensée, cet orgueil que l'homme a, à toujours vouloir se perfectionner, améliorer ce qui l'entoure. Toujours et encore, du toujours plus : le mantra de la série. Je l'adore et la déteste. Aujourd'hui, certaines des nouveautés vues dans quelques épisodes ont été mises au point, sans que personne ne puisse faire le lien d'un point de vue inquiétant avec ce que la série nous propose.
Alors Black Mirror propose, les hommes disposent ?
Je suis au courant qu'il ne s'agit que d'une fiction, écrite par des scénaristes (que l'on devrait analyser psychologiquement si je puis me permettre) extrêmement talentueux, à qui j'envie la créativité et l'originalité.
Si cette série me dérange autant, c'est parce qu'elle m'obsède : elle nous propose un cadre et des personnages réalistes, qui pourraient prendre forme dès demain; elle met en scène une temporalité qui pourrait être celle de demain : en somme, elle m'effraie parce que le fossé qui nous sépare de la fiction qu'elle représente n'est pas si vaste avec le monde dans lequel nous vivons. Pire encore, l'on peut s'identifier à certains personnages, perdus entre le bien et le mal, deux entités qui s'étouffent d'elles-mêmes, recouvertes très vite par la démesure, l'orgueil. Le pire dans tout cela, c'est que chacun de ces personnages possède un vice, une faille bien humaine : manque de confiance en soi, en les autres, doute permanent, volonté de plaire, ambition extrême, et j'en passe.
L'un des épisodes qui m'a paru le plus dérangeant (et encore, il n'est pas dans top 3 des plus dérangeants - j'avais prévenu de l'utilisation abusive de ce mot), c'est Be Right Back, le premier de la deuxième saison : on vit déjà dans un monde où l'on peut tout pallier, mais ici Black Mirror nous propose d'oublier le deuil en remplaçant carrément l'être perdu. Le deuil, l'une des étapes où il est le plus difficile de se relever, Be Right Back nous offre une solution de silicone et de plastique, qui peut toucher et voir.
Je sais qu'il ne s'agit pas tout à fait d'une critique, mais comment l'être face au monument qu'est cette série ? Il s'agit surtout d'un point de vue : je suis sensible face à l'érosion de la conscience, de l'empathie. Et ce que Black Mirror avance, c'est que, bientôt, qu'il s'agisse de demain, du mois prochain ou des cinq prochaines années, nous serons assujettis à nos pulsions, nos ambitions, nos sentiments les plus toxiques : notre orgueil.
Et je trouve ça dérangeant.
Pour ceux que cela intéresse, les trois épisodes qui m'ont vraiment retourné l'encéphale sont les suivants :
White Bear/ The Entire History of You/ Shut up and Dance.