Une série d'anticipation sur le poids des images
Trois ans après la mini-série Dead Set qui mélangeait habilement zombies et téléréalité, Charlie Brooker est de retour. Son nouveau bébé s'appelle Black Mirror et se compose de trois épisodes. Même si cela peut paraître un peu léger sur le papier, le journaliste anglais dit plus de choses en 3 heures de télévision que certains scénaristes en plusieurs saisons.
Indépendants les uns des autres, les trois épisodes ont toutefois le mérite de s'attaquer communément à une thématique qui nous concerne tous : l'impact sans cesse croissant des nouvelles technologies dans notre quotidien. Facebook, Twitter, Youtube, X-Factor, Microsoft Points, HD, VOD : tous ces barbarismes qui ne voulaient rien dire il y a 10 ans ont envahi notre vie de manière inouïe, et Charlie Brooker s'amuse à anticiper les conséquences de ce tout-technologique dont nous sommes devenus prisonniers sans trop nous en apercevoir.
A travers trois scénarios absolument brillants d'inventivité, l'ancien polytechnicien s'amuse avec le téléspectateur : à une époque où le sensationnel fait rage, existe-t-il encore des limites que les journalistes et les téléspectateurs ne sont pas prêts à franchir ? Seriez-vous prêt à regarder la pire des infamies si une immense célébrité était sur le point de s'humilier en direct à la télé ? Alors que le trash règne en maître sur les médias, possédons-nous encore un semblant de morale, ou sommes-nous prêts à tout encaisser sous prétexte de "droit à l'information" ?
Charlie Brooker s'intéresse également à la dématérialisation dans le monde des jeux vidéo, ainsi qu'au poids de la publicité dans notre existence. Et si toute notre vie ne servait qu'à se payer des points de Xbox Live ? Imaginez quelques secondes une existence dans laquelle le moindre acte, même le plus banal, serait immédiatement facturé et déduit de notre total de points. Abrutis que nous serions à pédaler sur des vélos du matin au soir, nous regarderions des écrans à longueur de journée, et il nous serait interdit de détourner le regard pendant la coupure pub, sous peine de sanction pécuniaire... Est-ce si irréaliste que cela ?
Que penser enfin de cette manie moderne qui pousse les gens à tout photographier et à tout filmer pour se fabriquer des souvenirs ? Dans notre entourage, combien connaissons-nous de personnes qui passent leur temps à essayer de revivre le passé plutôt que d'apprécier le présent ? Dans son troisième et dernier épisode, Black Mirror nous fait réfléchir sur le poids des images et le droit à l'oubli, à une époque où les caméras de surveillance se multiplient à vue d'œil...
Soyez-prévenus, Black Mirror est une série coup de poing, choquante en apparence, mais ô combien pertinente et clairvoyante à travers les thèmes qu'elle aborde. Dans un style futuriste visuellement très léché, cette série d'anticipation pas si farfelue que cela a le mérite de nous faire cogiter, et si on ressort de son visionnage un peu groggy, on a aussi l'agréable impression d'avoir assisté au couronnement du nouveau roi de la télé britannique.