Réalisée par Jalil Lespert, cette chronique de l'évènement le plus décrié du XXe siècle (au moins) débarque sur Netflix en quatre parties de presque 1h chacune. Une plongée vertigineuse qui revient sur cet incident survenu le 14 mai 2011 dans la suite présidentielle de l'Hôtel Sofitel de New York où l'un des hommes les plus importants du monde aurait abusé d'une femme de chambre avant de vouloir s'envoler pour Paris. L'histoire on la connait mais la connait-on assez bien ?
Le réalisateur du Dindon se penche sur l'affaire DSK avec un certain recul, interviewant le plus de monde possible, de la victime Nafissatou Diallo aux procureurs, détectives, agents de police et amis et anciens politiciens de l'ancien directeur général du FMI, certains ayant le sourire gêné, d'autres soudés à leurs convictions primaires. Des témoignages particulièrement intéressants au service d'une mise en scène très américanisée, allant de plans drone de la ville de New York, à des travellings Spielberg-riens, des plans resserrés des visages, un montage sournois, une présentation tape-à-l'œil en somme. Lespert sait comment tenir l'attention du spectateur, jouant sur le suspense quant aux questions posées et au déroulement de "l'intrigue", choisissant avec parcimonie les moments-clés pour tenir en haleine jusqu'au bout.
Pour autant, Chambre 2806 ne prend pas réellement de parti et c'est tant mieux. Enfin, pas dans son entièreté. On pourra regretter cette mise en scène parfois tapageuse, notamment lors d'un final aussi prévisible qu'inattendu dans le récit, et une manière de dissuader les doutes assez insidieusement mais dans l'ensemble, le docu confronte les avis, des protagonistes comme du spectateur, amenant à une conclusion évidente pour mieux la contrecarrer, à une réflexion intelligente tout en dévoilant un décor connu de tous mais qui a encore du mal à se dénuder. En définitive, un documentaire qui réussit à conserver l'incertitude et à poser de bonnes questions, celles-là même où l'on sait qu'il n'y aura pas de réponses. Une œuvre maîtrisée, parfois un poil trop, parfois beaucoup moins, mais au bout du compte aussi passionnante que terrifiante.