J'ai pas l'habitude de regarder des documentaires. Je préfère de loin les fictions. Mais allez savoir pourquoi, je me suis lancé dans Chambre 2806 qui revient sur l'affaire DSK qui a fait scandale en 2011, alors que l'homme politique était au sommet de sa carrière. N'étant pas très média et encore moins branché politique, on ne peut pas dire que j'ai suivi cette histoire de près à l'époque. J'étais encore si jeune... En cela, ce documentaire de quatre épisodes de quarante minutes réalisé par Jalil Lespert a le mérite de remettre les idées au clair sans jamais prendre parti, et ce, neuf ans après les faits.
Alors qu'il était en tête des sondages pour la présidentielle de 2012, Dominique Strauss-Kahn est arrêté à New-York alors qu'il s'apprête à prendre l'avion pour rentrer en France. Le socialiste est accusé par Nafissatou Diallo, une femme de chambre de l'hôtel où il a séjourné, de l'avoir violée. Via de très nombreux témoignages, on réouvre le dossier : enquêteurs de l'époque, employés du Sofitel, amis et avocats de DSK, et même Nafissatou Diallo elle-même... On observe cette dernière raconter sa version des faits, avec émotion et colère, et aussi comment sa vie s'est transformée du tout au tout, propulsée dans un raz-de-marée médiatique et politique invraissemblable. Mais elle est également interrogée sur les incohérences de son récit qui ont poussé la justice américaine a abandonner les poursuites... En parallèle, l'un des témoignages qui m'a le plus marqué, c'est celui de Tristane Banon, journaliste qui a accusé DSK de tentative de viol bien avant mai 2011. Par des images d'archives, on l'écoute témoigner de son expérience sur des plateaux télé, sans que cela fasse réagir personne. C'est l'exemple même de l'application de la culture du viol. Fort heureusement, les mentalités ont changé et ont pris un gros coup dans la gueule suite au mouvement #MeToo. Mais c'est ce qui rend cette affaire encore plus stupéfiante. Elle s'est passée il y a neuf ans et pourtant, le monde a diamétralement changé. Certains témoignages choquent, avec des réflexions d'une ancienne génération qui ne fait plus l'unanimité. Une France qui prend la défense de DSK et qui accuse une victime présumée de viol de mentir. Loin des #balancetonporc, c'est la loi du plus puissant qui dominait. Il serait totalement impensable, du moins je l'espère, que le traitement d'une affaire de viol se déroule de cette façon de nos jours...
Le documentaire de Jalil Lespert n'a pas pour vocation de prendre parti mais bien d'évoquer la complexité d'un tel dossier. Néanmoins, je l'ai achevé avec une amertume et un profond sentiment d'injustice. Car ce "Dom Juan", comme certains l'appellent, continuent sa fonction et s'est même remarié, comme si de rien n'était. Il s'est même lancé dans un projet documentaire sur sa propre version des faits, prévu pour l'automne 2021...